Agathe Cayuela a connu comme beaucoup la Pravd’Assas par internet. Cette juriste, férue de Wagner, Nietzsche et du café crème (en terrasse, s’il-vous-plait!), habite dans la belle ville rose de Toulouse, où elle a commencé par étudier aux Beaux-Arts. Nous lui avons donc proposé de contribuer à notre journal par ses talents de philosophe et d’amatrice inconditionnelle d’art et de littérature…
« Elle éclaire, cette lueur, les chemins crépusculaires qui mènent vers la délivrance »
La question du bonheur demeure le problème fondamental de la vie de l’homme.
Tellement d’espoirs, de vies renversées devant la seule promesse d’un mieux, d’un hypothétique bonheur. Hypothétique ? Oui mais voilà, c’est tout le contraire. Le bonheur n’est pas hypothétique, il ne s’agit pas là d’une promesse en l’air, d’un spiritualisme douteux : c’est une réalité concrète, liée à l’essence même de nos existences. Nous existons pour être heureux.
Il arrive pourtant que la lueur qui éclaire les chemins crépusculaires faiblisse, – mais elle ne s’éteint jamais, – et c’est l’idée majeure dont nous devons nous souvenir dans les épreuves et dans les temps d’incompréhension : nous sommes faits pour vivre, et pour être heureux ; c’est là notre unique devoir.
« La santé elle-même est l’état qui résulte de l’ordre dans lequel se trouve le corps, la justice est l’arrangement de l’âme qui est en même temps respect de la loi. Conserver et soigner reviennent identiquement à maintenir ou rétablir un ordre. » (Platon, La République)
La justice, pour Platon, est l’arrangement de l’âme. Cependant, il est nécessaire de réinterpréter ici la notion de justice ; il n’est pas question de devoir, d’impératif, d’obligation. L’homme juste, pour les Grecs, c’est l’homme qui vit en harmonie avec ce qu’il est, avec sa nature d’homme. Ainsi, l’homme s’inscrit dans un perpétuel mouvement de vie. Dans ce mouvement, il tend vers le bonheur, – et la justice est précisément un moyen vers ce bonheur, tout comme la vertu.
L’homme juste, id. est l’homme qui fait ce qu’il doit faire, est heureux. La justice est par conséquent, – amis juristes, exultez ! – une condition au bonheur. Nous sommes donc des êtres vivants, qui tendons vers un bonheur concret, au moyen de la justice et de la vertu. Le tableau semble plutôt réussi. Mais nous sommes aussi des êtres sensibles, dans le sens que nous sommes animés, mis en mouvement, par des affects.
Désirs, plaisirs, justes ou injustes, excessifs ou raisonnés. Il ne s’agit pas alors de réprimer tout sentiment, de vivre en ascète aguerri : c’est, là encore, tout le contraire que Platon nous invite à vivre. « Pour bien vivre, il faut entretenir en soi-même les plus fortes passions au lieu de les réprimer, … à ces passions, quelque fortes qu’elles soient, il faut se mettre en état de donner satisfaction par son courage et son intelligence, en leur prodiguant tout ce qu’elles désirent. » Il s’agit de réguler les passions, qui sont des obstacles, afin de vivre justement. Platon écrit finalement que « La justice est le bien suprême de l’âme considérée en elle-même. » L’homme juste, c’est l’homme conscient dans son âme qu’il est juste, et qui agit en conséquence, en intelligence.
Dans tous les cas, il est essentiel de souligner que nous avons le choix, et de Platon à Sartre, le choix est l’élément constitutif de nos vies, de notre condition humaine. Nous avons le choix, – et il s’agit d’un choix total, radical, sans limites.
Il y a certes des choses qui dépendent de nous ; et des choses qui ne dépendent pas de nous. Concrètement, je ne choisis pas de tomber malade, mais au lieu d’être abattu et d’en vouloir au monde entier, je peux choisir d’adopter une position, une inclination qui porte au bonheur, je peux me battre, et guérir (notre contributrice était en effet malade lors de l’écriture de cet article, ndlr). Il s’agit bien d’une inclination, d’une manière de répondre à ce que l’on ne contrôle pas. Notre libre-arbitre s’exerce ici : dans la manière dont nous choisissons de
répondre.
Tâchons de nous souvenir de cela en cette période de partiels…
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