(Nous rappelons que les opinions de nos contributeurs n’engagent qu’eux et ne lient en aucun cas la rédaction de la Pravd’Assas, ndlr)
Par Ennemond Chandon, responsable des questions internationales du comité de rédaction de la Pravd’Assas.
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Le spectacle se tient du 30 novembre au 11 décembre au Bourget.
Un cirque bien organisé, l’évènement de l’année à ce qu’on disait, ça danse et ça fait des pirouettes mais à la fin du spectacle le prix du billet d’entrée vous reste en travers de la gorge, pourquoi ? Parceque le résultat, comme à chaque fois, est en partie voué à l’échec. Bref, une conférence aux allures exceptionnelles qui se révèlera être concrètement peu efficace.
Monsieur Borloo le dit lui même avec beaucoup de lucidité : « les grands-messe ne peuvent pas faire de mal ». On comprend aisément ce que veut dire le fondateur de la récente fondation Energies pour l’Afrique, qui pense simplement qu’une réunion annuelle pour rappeler des urgences n’est pas un mal en soi mais que cela s’inscrit dans le paysage médiatique mais ne révèle pas de sérieuses ambitions.
Engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique et pour le développement économique des pays pauvres, Jean Louis Borloo ne perçoit pas cet événement hors du commun comme pouvant déboucher sur des accords hors du commun et il n’est pas le seul. Beaucoup de spécialistes et d’analystes politiques rejoignent cette position, même une partie des chefs d’Etats y conçoit, les grands décideurs l’admettent également !
Il vaut mieux admettre que de se voiler la face trop longtemps me diriez-vous.
Les accords contraignants ou non, sont souvent des espoirs permettant d’agiter les consciences médiatiques et de faire couler l’encre sur le papier de nos belles forêts amazoniennes. On agite le drapeau rouge de l’urgence comme à Lima, Varsovie ou Doha les années précédentes. En effet la COP (Conference of Parties) est une réunion annuelle qui a pour but, dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, de reconduire au mieux le Protocole de Kyoto de 1997 et de parvenir à des accords avec le plus grand nombre de pays possibles sur des thèmes très divers.
Certains la qualifieront d’un grand rendez-vous onusien, d’autres d’une vraie chance de saisir des opportunités pour répondre à des défis souvent ignorés, tout est affaire de point de vue mais aussi de réalisme face à la situation qui se présente. Alors que Nicolas Hulot se sent l’homme de la situation dans ce genre de moment, François Hollande rougit de fierté quand les chefs d’Etat du monde entier le remercie, il a son moment de gloire médiatique, ça ne peut pas faire de mal. Des députés parlent même d’un « joli coup de com. », un raccourci sévère qui ne doit pas cacher l’analyse de fond qui doit être faite sur les enjeux de cette conférence ainsi que les résultats crédibles qui peuvent émerger. Il s’agit également de ne pas être naïf sur le comportement de certains protagonistes ou encore de s’interroger sur les vrais obstacles cachés qui rendent difficile la rédaction de ces accords contraignants. Il faut toujours confronter la réalité à l’humeur des médias pour mieux discerner les vrais et les faux espoirs.
Les axes empruntés pour répondre à la question climatique sont très divers, tous les secteurs font l’objet d’une remise en cause. Chaque jour est d’ailleurs consacré à des questions différentes, la discussion doit permettre d’enrichir le débat d’initiatives. Mais 196 pays qui discutent sur des thèmes variés pour répondre à une seule question, ne vous dites pas que la réponse sera unique et admise par tous. L’art de contraindre les Etats s’exerce pas les Etats eux-mêmes, cela rend tout de suite l’exercice un poil plus difficile.
De manière très générale, les grands objectifs qui semblent motiver tous ces petits chefs d’Etat à signer « un accord ambitieux et contraignant » sont les suivants : limiter la hausse des températures (pas plus de 2°C) et trouver 100 milliards de dollars chaque année pour aider les pays en développement à s’armer face aux changements climatiques. Il faut rappeler que le précédent fond d’aide à ces pays avaient pour objectif de réunir 5 milliards de dollars par an, finalement 24 petits millions de dollars ont répondu présents chaque année, juste assez pour financer les déplacements et les chambres d’hôtels…Il est donc à prévoir l’échec de ce deuxième objectif, pour la température nous vérifierons en 2050.
Cette aide financière qui devra permettre un développement à long terme d’infrastructures modernes dans ces pays est aussi une manière de faire preuve de solidarité avec ces territoires qui sont les premières victimes des changements climatiques selon les experts ainsi que d’éviter à ces pays de prendre le même chemin « destructeur » de développement que les nations développées. De nombreux spécialistes ont plusieurs fois réaffirmés que rassembler cette somme tous les ans est bien évidemment possible mais la réticence vient de la question : à qui prendre l’argent et pour qui précisément ? Une partie de l’Afrique par exemple est connu pour sa corruption active chez certains leader politiques, de telles sommes d’argent attirent les convoitises et la traçabilité sera compliqué. Finalement ces grands engagements sont confrontés à la réalité de la mise en oeuvre aussi bien qu’à la volonté des dirigeants de la planète d’y contribuer.
Il convient également de s’attarder sur les protagonistes de cette COP21, ceux qui vont déterminer si oui ou non l’événement sera un demi-succès ou un terrible échec. Rappelons quelques faits pour déterminer les responsables de cet air irrespirable et de ces changements climatiques :
Une étude d’une ONG américaine présentée le jeudi 13 mars 2014 à Bali révèle que, tous les ans, 42 Etats Nord-Américains émettent chacun plus de gaz à effet de serre (GES) que 50 pays en voie de développement réunis. Trois autres Etats polluent plus qu’une centaine de pays sous-développés.
En bref un américain moyen est responsable de l’émission de près de 18 à 20 tonnes de CO2 par an, un européen entre 10 et 11 tonnes, un chinois 6 tonnes et un indien moins de 2 tonnes. (pour information, le seuil idéal qui doit être atteint est ce lui de l’Inde). Avec ce constat on peut rapidement avoir un esprit critique face aux grands appels solennels de Monsieur Obama pour prendre « des mesures concrètes » et « être à la hauteur des enjeux ». Cela fait doucement rire quand on regarde la responsabilité américaine mais surtout quand on analyse la vision de beaucoup d’américains sur le changement climatique. Il faut faire remarquer qu’une très grande majorité des membres du Parti Républicain sont hostiles à tout débat sur le réchauffement climatique : ils sont persuadés d’être manipulé sur les faits par le lobby écologiste qui donnerait une version complètement erronée de la réalité climatique de la planète. Ce serait même une excuse pour permettre au gouvernement d’avoir encore plus d’emprise sur la population, sa liberté et ses façons de se comporter. Avide des théories du complot, les américains sont à la hauteur de leur réputation mais ce qui frappe est le nombre de gens prêts à y croire. Ce qui nous amène à dire que les Etats-Unis, malgré les sermons encourageants, ne sont pas prêt du tout à faire évoluer leur politique. Ce sont plutôt les états américains en interne qui peuvent avoir une plus grande influence.
Un autre grand pollueur, la Chine.
La Chine, confrontée à la propre image qu’elle renvoie avec ses villes surpolluées où le « smog » apparait de plus en plus souvent et où le seuil de sécurité d’émission de particules fines est dépassé 16 à 25 fois, n’entend pas si facilement sacrifier une partie de sa croissance déjà molle pour de grandes réformes anti-pollution. Cependant ce sera probablement un des premiers pays à devoir de force infléchir sa politique afin de survivre, tant pour les citadins que pour l’économie.
C’est donc bien à travers cette réalité que l’on voit le vrai visage de l’événement : un colloque de puissances qui profitent de l’image que cette rencontre donne d’eux en sachant pertinemment que l’échec les attend sur la plupart des accords. Ce n’est pas pour rien que John Kerry a prononcé ces mots : « L’accord qui pourrait émerger à l’issue de la conférence de Paris ne sera pas à proprement parler un « traité » impliquant une contrainte juridique ».
La seule vraie contrainte si elle n’est pas juridique sera seulement l’arrivée du changement climatique en lui-même, l’Homme n’est pas si rationnel que ça finalement. La catastrophe engendrera l’implication d’office.
Finalement pour que la COP21 perde son image de rassemblement hypocrite il faudrait que les 7 plus gros pays pollueurs se rassemblent autour de la table pour discuter avec les représentants des 7 plus gros secteurs industriels qui polluent le plus. Pour couper court aux négociations interminables, voilà la solution qui pourrait amener à des décisions efficaces et concrètes. Cette solution pose aussi la question très importante de la responsabilité du monde industriel qui peut lui aussi agir avant qu’une loi ne lui impose.
Avec les pays, le problème récurrent concerne les objectifs fixés qui sont souvent trop ambitieux et facilitent le découragement : dès qu’un pays ne se sent pas capable, les autre suivent. L’autre problème est sans doute la paresse intellectuelle autour du sujet que l’on peut percevoir dans la sémantique utilisée qui ne change jamais et qui cache le fond par la forme.
Enfin n’oubliez pas de scruter l’actualité internationale pour remarquer la chute du prix des hydrocarbures et en particulier du pétrole, cette baisse impressionnante (le baril est passé sous la barre des 40 dollars) est le pire obstacle économique et à terme écologique qui puisse survenir. Encore une raison de plus pour ne pas tomber dans le piège de la naïveté sur le résultat de la COP21 face aux marchés qui dictent leurs règles.
Le danger est d’autant plus concret que les économistes n’envisagent pas un retour du baril à un niveau élevé. «Un ajustement à la baisse de l’offre est en cours avec une réduction de la production des pays hors-Opep. La surproduction persistera mais devrait être moins forte en 2016. » rappel Stéphane Soussan.
Après ce point de vue très négatif sur cet événement, il peut être aussi censé de rappeler que des solutions concrètes peuvent accouchées des discussions. Par exemple la fixation de taxes carbones peut être une réponse intelligente pour agir dans l’économie, car c’est bien la croissance économique qui est le premier ennemi des grandes mesures climatiques dans certains cas. Cette croissance économique peut par ailleurs devenir le moteur de la croissance écologique avec cette taxe carbone qui doit s’imposer au plus grand nombre pour ne pas fausser la concurrence. Une autre taxe est actuellement discutée : la taxe sur les transactions financières. Avec une activité financière parfois très importante, des pays européens planchent sur la mise en place d’une taxe sur certains produits financiers, une source de fonds au tarissement impossible serait peut être alors la clé pour financer les mesures écologiques. Cependant seulement 10 pays sont impliqués dans cette initiative qui se séduit pas les autres.
Les mesures collectives économiques font peur car elles doivent être appliquées en même temps et dans les mêmes conditions pour tous pour ne pas créer de déséquilibre.
Enfin la COP21 reste également un moyen d’interpeller les consciences citoyennes par la médiatisation, ce qui ne peut qu’être bénéfique pour la société. De plus elle renseigne les citoyens sur les conséquences d’une passivité ambiante qui s’installe : le vrai danger à percevoir pour réaliser l’ampleur du phénomène climatique n’est pas le changement du climat en lui-même mais ce qui s’ensuit au niveau géopolitique avec les grands mouvements de population par exemple.
Pour conclure je vous interpelle car si vous êtes chef d’Etat un jour, ne profitez pas juste du buffet et prenez conscience que le monde n’est pas un cirque lui et qu’il a besoin de volontarisme pour sortir de ses déterminismes.
“L’extériorisation de la volonté comme volonté subjective ou morale est l’action.” prêchait Hegel, pourvu que la volonté des dirigeants, si elle existe, s’extériorise rapidement.
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