Pourquoi les guignols de l’info ne rendent pas le FN plus sympathique

« Ça rend très sympathique les gens ces marionnettes. C’est vrai, les gens sont souvent beaucoup plus populaires après. »

Cécile Ladjali le 14/03/16 à propos d’un sketch polémique des Guignols de l’info.

 

Je peux dire une connerie ?

Le 14 mars dernier, comme chaque soir, un sketch des Guignols de l’info était diffusé sur Canal +. Ce soir-là, la saynète montrait la famille Le Pen s’amusant à un jeu raciste, xénophobe et antisémite pendant une réunion destinée à trouver un moyen d’engager les français à voter Front National.

De retour sur le plateau du Grand Journal, la présentatrice incite ses invités à réagir à l’extrait qu’ils viennent de voir. C’est à ce moment-là que l’écrivaine Cécile Ladjali a énoncé cette phrase.

Mais, contrairement à ce que pense cette auteure, après avoir visionné l’extrait en question, la famille le Pen ne m’a paru en rien plus sympathique. Je me suis donc penché sur la théorie de Cécile Ladjali.

Cette idée reçue selon laquelle l’émission qui a fait les grandes heures de Canal + rend sympathique les personnages politiques caricaturés n’est pas propre à Cécile Ladjani. Elle fait partie des croyances populaires et on la voit réapparaitre, de temps en temps, en fonction de l’actualité.

Le 6/12/15 par exemple, lors du premier tour des élections régionales, Canal + lance une campagne publicitaire pour le retour des Guignols de l’info dans laquelle on voit les marionnettes de Marine et Jean-Marie le Pen s’enlacer.

Suite à cela, Yann Barthès, animateur sur la chaine cryptée, s’indigne sur les réseaux sociaux et qualifie les auteurs de cette réclame d’ »irresponsables » au vu du contexte politique.

 

jj

Vous regardez la descendance de la fable, bonsoir !

En réfléchissant sur l’origine de cette croyance populaire, il m’est apparu un parallèle curieux.

Concédons que le concept de l’émission de Canal + est très proche de celui des fables puisque, le but de l’émission, comme celui des Fables de La Fontaine, est de créer une satire de la société et du gouvernement à travers des situations fictives afin de dénoncer les abus présents dans notre société.

Il est amusant de constater qu’il y a 254 ans, Dans L’Émile ou De l’éducation, Jean-Jacques Rousseau préconisait de ne pas enseigner les Fables de la Fontaine aux enfants car, selon lui, les personnages marquants sont toujours ceux qui représentent le vice. Il soutient que l’Homme, poussé par sa nature, se sent plus proche de la cigale que de la fourmi et croit mieux connaitre le loup que l’agneau. En bref, les personnages amoraux lui apparaissent plus sympathiques.

 

On m’aurait menti ?

Il est vrai qu’il est difficile de mesurer l’influence d’un programme médiatique sur ses spectateurs mais, selon moi, l’impact de l’émission est moindre.

D’abord parce que les auteurs sont toujours restés relativement neutres politiquement. Ils n’ont pas hésité à moquer les décisions politiques de tous bords et, chaque Homme politique important possède sa marionnette. Ainsi, chaque politicien bénéficie de ce présumé capital sympathie.

Ensuite, parce que la fréquence d’apparition d’une marionnette dans l’émission est liée à la présence de l’Homme politique authentique dans la vie des français.

Ce n’est pas la présence de la marionnette dans Les Guignols de l’Info qui pousse l’Homme politique à être présent mais c’est l’Homme politique qui amène les auteurs à ressortir la marionnette du placard et ce pour la simple et bonne raison qu’ils ont besoin de faits pour parodier. L’émission ne peut pas de redorer l’image d’un Homme d’Etat, elle ne fait que relater et contourner des faits de société.

Sans transition…

Cependant, le principal contre argument qu’on pourrait opposer est le célèbre exemple de Jacques Chirac qui, en 1995 devint populaire grâce à sa marionnette qui répétait ce slogan : « mangez des pommes ». Il est d’ailleurs possible que Cécile Ladjali faisait référence à cette histoire dans ses propos.

Cette réplique, qui fut certainement l’une des plus culte de l’émission satirique, a été inventée en 1995 pour moquer le livre de Jacques Chirac titré : La France pour tous. Il présentait le programme politique de l’ancien président et arborait sur sa couverture un dessin de pommier.

Mais, en réalité, la forte présence de la marionnette de Jacques Chirac remonte à l’année 1993 soit deux ans plus tôt. A cette période, Jacques Chirac refuse de reprendre son rôle de premier ministre au profit d’Édouard Balladur. Ainsi, il se retire du gouvernement. Il reste tout de même présent en politique à travers son statut de maire de Paris et en tant que président du RPR.

Aussi, en 1993, la présidentielle de 1995 se dessine et des tensions se font sentir à mesure qu’approche l’heure de désigner le représentant du parti. D’un côté Jacques Chirac pense être le candidat naturel, de l’autre, son ami Edouard Balladur convoite le même objectif.

Jacques Chirac prend la candidature du premier ministre comme la trahison d’un pacte moral qu’ils avaient conclu lors de son refus de reprendre la tête du gouvernement.

Dans l’émission parodique, cette trahison est traduite par la marionnette du premier ministre qui poignarde dans le dos celle du dirigeant du RPR, celui-ci répliquant simplement: « ça pique ». La marionnette de Jacques Chirac était, par conséquent, indissociable de celle d’Edouard Balladur. Ils bénéficient donc de la même couverture médiatique dans l’émission. De plus, Jacques Chirac passait pour une victime. Or, selon la théorie de Jean-Jacques Rousseau, les téléspectateurs auraient dû s’identifier et s’attacher à Edouard Balladur plutôt qu’à Jacques Chirac.

Et Pi c’est tout !

Pour en revenir aux propos de Cécile Ladjali, si la victimisation de Jacques Chirac peut laissez planer le doute de l’influence de l’émission sur ses téléspectateurs. La caricature qu’ils ont faite le 14 mars dernier du Front National est totalement différente.

Jacques Chirac passait pour un homme gentil, passif et inoffensif alors que le Front National passe pour un parti violent, raciste et antisémite.

D’ailleurs, ces dernières années, les audiences de l’émission sont en déclin alors que la popularité de l’extrême droite s’accroit. Ce n’est donc pas le programme qui rend le Front National populaire.

J’ajouterai que la nouvelle version des Guignols de l’Info ne propose qu’un sketch diffusé en clair dans le Grand Journal. Le reste de l’émission est réservé aux abonnés Canal.

Or, la cible privilégiée de Canal + sont les CSP ++, c’est-à-dire les cadres supérieurs et professions libérales. Cette cible rassemble principalement des sympathisants de gauche.

Dans les faits, on peut constater cela dans le sondage de l’Ipsos pour France télévision, le groupe radio France et LCP ; réalisé du 29 novembre au 2 décembre 2015. Pendant les élections régionales, les CSP ++ ont voté majoritairement à gauche avec 46% des voix alors qu’ils n’ont votés qu’a 17% pour le Front National.

Par conséquent, la stigmatisation de l’extrême droite par les auteurs des Guignols de l’Info ne fait que conforter l’idée des téléspectateurs.

Voici donc pourquoi Les Guignols de L’info n’ont pas de réelle influence politique sur leur auditoire.

Florian Chaillot

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s