Alain Juppé trace sa route. Lentement. A la manière d’Hubert Bonisseur de la Bath poursuivant Von Zimmel, Alain Juppé va, certain, sans provoquer de remous, à la poursuite de son rêve de jeunesse. Alain Juppé est l’anté-Sarkozy. Sa seule sortie un peu droitière, sur l’attentat de Nice, l’a traumatisé. Il ne se révoltera plus de sitôt. Alain Juppé n’aime pas la bataille. Elle le rabaisse : il doit se dévoiler.
Alain Juppé a un programme pour la France : sa sagesse. Il vient prêcher aux générations qu’il leur faut arrêter de s’enticher de fauteurs de troubles (type Sarkozy) ou de menteurs (type Hollande). Quant aux autres, pas encore présidenciés, ils attendront leur heure. Ils ne valent rien. Juppé, contrairement à eux, ne fait pas cette campagne pour lui. Il n’a pas à conquérir un fauteuil, il lui revient de droit. Il appartient à cette race de héros qui ont fait leurs preuves et que la France et les élus, sans autres alternatives, découvrent en plein milieu de la débâcle. Tout cela s’est déjà produit au crépuscule de la IVème République. Et de la IIIème aussi d’ailleurs.
La communication d’Alain Juppé ? Pas grand-chose à retenir. D’une part un beer-pong, de l’autre une danse endiablée dans une maison de retraite girondine. Et puis… Rien. Le néant. AJ2017 a un programme qui ringardise les soubresauts révolutionnaires du NPA : le projet de la Droite et du Centre. Le tout exprimé dans divers livres. Que personne ne lira, sauf les pauvres stagiaires du Figaro qui en feront des fiches pour les interviews.
Alain Juppé n’a pas un programme soft. En revanche, il l’exprime de façon soft. Presque évidente. La campagne l’emmerde. Il voulait une Primaire plébiscite, le voilà réduit à combattre celui que son père spirituel a déjà combattu. Alain Juppé n’est pas vieux, ce serait insultant de le dire. Mais il est lassé. Voilà quarante ans qu’il voit les mêmes visages, les mêmes coups, les mêmes comportements, les mêmes problèmes, les mêmes Vivement Dimanche. Il a quitté la chaleur du Québec pour celle d’un meeting à Chatou. Il tente vainement de jouer le jeu, de vendre du rêve, les deux bras levés, souriant. Mais dans son regard, le meilleur d’entre nous est réduit à déguster un Sauternes bien terne, dans un gobelet en plastique. Les dîners sous les ors de l’Elysée en compagnie de Yannick Noah et Line Renaud sont encore bien loin. Putain, encore sept mois. Encore sept longs mois à affronter d’abord un excité, ensuite un mou et des vindicatifs. Et puis, Pèpère la Victoire s’assiéra dans un fauteuil.
Il aura le droit aux plus grands honneurs : la lecture des résultats par Laurent Fabius, un apéritif au Sénat avec Gérard Larcher, une visite dans le centre scolaire Jules Ferry en compagnie de tous les enfants de ceux qui ont manifesté (et manifesteront) contre lui et des revues de troupes réduites à payer elle-même leurs sandwichs LIDL pendant le plan Vigipirate. Une fois à l’Elysée, Alain Juppé pourra enfin mener une retraite tranquille. Sans réforme ni majorité, sans communication, sans ambition. Moins accrocheur que Chirac aux salons de l’Agriculture, moins clivant que Sarkozy, moins intriguant que Hollande, moins victorieux que De Gaulle, moins adulé que Mitterrand, Juppé sera dans sa tour d’ivoire, si représentative de son esprit.
Un ou deux attentats, trois ou quatre fermetures d’usines, cinq ou six leaders d’opposition qui le pilonnent, et cinq ans plus tard, la France retrouvera le naturel qui lui plait et lui sied si bien : élire un leader.
LE LOZERIEN
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