Ça y est, la première des quatre seules périodes de l’année pendant lesquelles tu travailles touche à sa fin. Tu les connais, ces quelques semaines où tu ne viens plus en cours par manque de temps ; où tu passes un sweat-shirt par dessus ton pyjama pour ta seule sortie de la journée, l’aller-retour Grand Amphi – maison. Cette quinzaine pendant laquelle tu ouvres certains livres pour la première fois de l’année, tu stresses, pleures, manges beaucoup, fumes beaucoup…
Alors, tendu, quand tu entres dans l’amphi où tu vas passer « le pire moment de ta vie » (tu exagères là, ndla), tu n’as pas la présence d’esprit d’observer la faune qui t’entoure, bien qu’elle soit des plus intéressante. C’est pourquoi je suis là, oisif aux examens, pour te décrire le panorama que tu as manqué, les yeux embués fixé sur ta copie vierge.
1 – La major
Tu ne saisis pas pourquoi elle est autant stressée ; tu sais qu’elle a passé au moins 17 fois plus de temps que toi sur ses révisions. Puis tu comprends que ses interrogations de dernière minute ne sont pas du tout les tiennes : elle est en train de se demander si l’arrêt « Syndicat général des fabricants de semoule de France » (conventionalité, toi même tu sais) date du 1er ou 2 mars 1968, alors que tu hésites encore sur ce qu’est le Conseil d’Etat. Sa crise d’angoisse ridicule t’exaspèrera encore plus quand elle boudera son 17/20, alors que tu redoubleras ton année.
2 – Le suant
Tu ne comprends pas comment un amphi peut avoir une odeur plus nauséabonde que le vestiaire après un entrainement de 3h, puis tu l’aperçois. Il est la preuve de la gymnastique intellectuelle, de la fatigance mentale du travail. Son cerveau fulmine tellement que de la fumée semble sortir de ses oreilles. Il soupire souvent, tel une locomotive en fin de vie. Il est rouge comme la braise, et tu as peur que la chaleur de son corps fasse s’enflammer sa copie. Mais heureusement la moiteur de ses mains contrera le processus. Cette moiteur fait glisser son stylo de ses doigts, et il jure à chaque fois qu’il doit le ramasser. A la fin, tu ne sauras même pas s’il a réussi ou raté, il attendra que le chargé de TD vienne lui arracher la copie des mains pour arrêter d’écrire. En revanche, tu le remercies de t’avoir aidé à résoudre la question que tous les étudiants se posent : d’où vient l’odeur et la buée présentes à chaque fois qu’on rentre en salle de TD.
3 – Le touriste
Il arrive assez détendu, dit bonjour à ses congénères, rit un peu, puis s’assoit calmement. Il sort de l’eau, des petits gâteaux, son kebab, puis sa glacière et son parasol pour tenir pendant l’heure. L’odeur de toutes ces victuailles dérange tes narines, mais tu te dis qu’au moins tu auras, grâce à lui, une excuse pour ton échec. Le sien le préoccupe peu, car au bout du temps imposé de présence, son repas terminé, il remballera son pic-nic et repartira sans rendre de copie. Nul ne sait pourquoi il est venu, mais tu le retrouveras quand même jusqu’à la fin du semestre au fond de l’amphi son casque sur les oreilles, préférant un strapontin à son lit pour regarder Westworld.
4 – Le fraudeur
Il sait que la triche en examen est horriblement sanctionnée, mais à circonstances extrêmes, réponse désespérée. Et le danger semble effrayer plus toi pour lui, que lui pour lui-même. Les scénarios s’enchainent dans ta tête : le surveillant arrive, remarque le portable sur ses genoux, l’empoigne et le roue de coup ; puis tourne les yeux vers toi, t’accuse de complicité, et tu finis le reste de ta vie dans une geôle infestée de rats au fond du Tadjikistan. Mais le filou ne s’est jamais fait prendre, ce qui n’est pas un excuse pour t’empêcher d’angoisser pendant de précieuses minutes. Et c’est alors qu’intervient un sadique.
5 – Ton tortionnaire
C’est un réel monstre. Tu n’es pas théoricien du complot, mais tu es certain qu’il a été envoyé dans l’unique objectif de te faire échouer ; il va mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour faire de ton galop un enfer. Tout d’abord, il prend le soin d’arriver à la dernière minute, juste quand tu as commencé de lire le sujet. Voulant s’asseoir au milieu du rang, il va t’obliger à te lever pour passer, comme à chacune des 7 fois où il va aller aux toilettes. Et son sadisme ne s’arrête pas là, il ne va cesser de cliquer sur son quatre couleur, au point que tu en feras des cauchemars la nuit suivante. Il a bien entendu pris le soin d’amener plusieurs canettes de coca, qu’il ouvrira le plus bruyamment et subitement possible, sans manquer d’asperger un minimum ta copie.
6 – Toi
Au milieu de toute cette jungle, j’avoue qu’il est normal que tu sois perdu. Paniqué par un sujet des plus saugrenus, tu sais que tu ne passeras ton année que grâce au 2 points sport. Et tu blâmeras tes voisins de partiels… Mais tes camarades ne sont pas le dernier de tes soucis, car au moment où tu auras enfin réussi à les sortir de ta tête, un pion te fera soubresauter en te frôlant, soufflant sa méfiance dans ta nuque.
En somme, après un tel massacre qu’auront été tes galops, mieux vaut abandonner tout espoir de carrière et partir en éco-gé avant les partiels (Ne le fais pas, mieux vaut passer 3 ans à redoubler ta licence, que 7 ans au Pôle Emploi, ndla).
Arthur de Palézieux
La Pravd’Assas est aussi sur Facebook :