L’OBSESSION DE LA TRANSPARENCE

(Nous rappelons que les opinions de nos contributeurs — surtout celle-là — n’engagent qu’eux et ne lient en aucun la rédaction de la Pravd’Assas, ndlr)


Alors que la meute médiatique accourt à l’hallali du candidat François Fillon, la France se découvre une nouvelle obsession pour compenser son manque abyssal de débat politique.

Si les relations médias/politiques se détériorent de plus en plus, la tyrannie de la transparence s’impose peu à peu aux esprits. Dans la directe logique du phénomène de l’hyper-moralisation, la transparence se confond avec la crise de confiance vis à vis des politiques. C’est la sanction de trois décennies de fonctionnaires qui se sont servis au lieu de servir. Désormais, le peuple – par le biais peu honnête des médias – est juge.

Toutefois, il est difficile de se réjouir d’un tel châtiment. La chasse à l’homme amorcée à l’occasion de la PénélopeGate traduit du regard profondément comptable et mesquin porté sur la politique française. Acculé, trahi, le candidat Les Républicains se voit forcé, pour garder bonne figure, d’étaler en place publique sa vie politique et privée, ses comptes bancaires et ses relations familiales. Désormais, il compte demander aux autres candidats la même épreuve et la même transparence, comme si on achetait son honnêteté en se dévoilant.

Ce triste souci forcené de la transparence conduit le monde journaliste à aller toujours plus loin… Des croissants du Président Hollande à l’homosexualité présumée d’Emmanuel Macron, des comptes à Sablé-sur-Sarthe de François Fillon aux CV de ses fils, la transparence est infinie. À force de vouloir connaitre l’intimité des candidats, les français ont abandonné leur bon sens politique, désespérément à la recherche d’une vérité (qu’ils n’auront jamais), à défaut d’une politique efficace.

Ces obsessions sociétales de la moralisation et de la transparence connaissent des soubresauts nauséabonds dans le milieu judiciaire, là où un juge d’instruction n’hésitera plus à violer le secret professionnel dans un affrontement sanglant avec les avocats (Affaire Bigmalion). Les récentes affaires politico-pénales témoignent d’une dégradation des relations magistrats/avocats alimentée par la volonté de transparence. Dans l’affaire Fillon, les procès verbaux – établis et sous contrôle de la police et du Parquet National Financier – échouant dans les mains des deux compères Gérard Davet et Fabrice Lhomme, dévoilent une dangereuse porosité entre ces deux professions du juge et du journaliste. Le secret de l’enquête sombre lentement non sans crier gare, au motif que le peuple a le « droit de savoir », et, avec elle, la présomption d’innocence.

Il serait malhonnête de blâmer Le Canard enchainé qui, héritier d’une telle tradition, ne remplit que son rôle en prévenant les français des quelques incohérences financières et arrangements de la famille Fillon. Cependant, tout comme la condamnation prématurée de DSK, les périodiques et les réseaux sociaux s’enflamment aux moindres rumeurs, les médias ne devraient-ils pas avoir un rôle de régulation ? Les médias sont-ils les nouveaux juges ? L’acharnement, l’obnubilation et le procès médiatique des dernières semaines sont totalement injustifiés. « Quand un homme est tombé, tout le monde est dessus », Charles Péguy adressait cet alexandrin à la Passion du Christ, deux mille ans plus tard, François Fillon est victime – toutes proportions gardées – d’un même engouement destructeur et, si ses quatre membres seront épargnés, il est peu probable qu’il ne s’en relève, lui.

L’objectif de transparence, qui va sans doute torpiller le débat politique durant les trois mois à venir, est le résultat à la fois d’une idéologie perverse qu’est celle de l’hyper-moralisation touchant les mondes médiatique et judiciaire, mais est aussi au service d’un détournement politique dû à la politisation remarquable de la magistrature.

SR


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