Il est 7h30.
« Si j’étais président, de la République… ». Une main blanche et fine, dépourvue de tout poil, aux ongles parfaits, caresse délicatement le radio-réveil pour éteindre Nostalgie.
Louis, 19 ans, au physique aryen, émerge de son lit double aux draps blancs, sortant de sa chambre blanche aux rideaux blancs, avec un bureau en bois blanc et aux contours en ivoire, sur lequel un ensemble Mac, blanc, est posé. Il habite rue Victor Hugo, dans un immeuble haussmannien blanchi récemment, comme l’argent de son père en Suisse, qui pourtant possède cet appartement dans le quartier du XVIe, blanc, lui aussi.
Une seule chose de couleur égaye cette pièce et sa vie d’homme parfait, beau, viril, puissant et brillant, enfin telle qu’il la juge. Cette chose, c’est le poster d’Emmanuel Macron.
Il est 8h24, Louis descend dans la cuisine, ne prend pas la peine de cacher son érection matinale devant Maria, la femme de ménage philippine du mardi matin, dégage son petit frère de sa place dans la cuisine américaine, ouvre une bouteille de lait en laissant les autres déjà commencées dans le frigo, et monopolise la boite de céréales. Louis n’ouvre pas le Figaro ou Le Monde, mais Paris Match. Il a de la chance, ce dernier titre exceptionnellement sur Emmanuel Macron.
Il est 9h, Louis, Brigitte Macron toujours en tête, va prendre sa douche, ne cachant toujours pas à sa petite sœur Victoria cette érection matinale qui, comme le programme de son leader, tarde toujours à atterrir.
Louis est riche, et aime le faire savoir. Ses mocassins à gland violet chaussés, avec son pantalon beige et sa belle chemise bleu claire tenue par sa ceinture Louis Vuitton, il part à Paris II – Panthéon-Assas étudier le droit des affaires. Coefficient 1, premier semestre de L2. Louis est membre du collège de droit, c’est normal, son père est énarque et banquier, son grand-père polytechnicien et banquier. Du côté des mères, des femmes brillantes qui ont parfaitement pourvu à l’éducation des enfants, à la bonne tenue de la maison et, dans leur temps libre, aux bonnes œuvres catholiques.
Louis aussi a un cœur, et il le tient de sa chère mère, comme il aime le raconter. En effet, Louis a aidé les pauvres. Pas en France, car il fait moins beau au métro Stalingrad qu’au Vietnam. Et puis quand on aide, on peut au moins profiter de l’exotisme. Cependant, Louis n’a pas eu le temps d’accomplir son rêve : l’enfant qu’il voulait adopter n’a pas pu franchir la douane au retour, malgré tous les dollars. Au moins, la photo de Louis et du petit… qu’importe son prénom, elle a fait plusieurs centaines de likes sur Facebook.
La bonté occidentale distribuée au-delà des frontières, Louis veut sauver la France. Tout de suite, il ne peut pas, car il a comptabilité, mais en attendant, il vote Macron, et le fait savoir. Entre tous ces vieux qui votent Fillon, ces ringards Hamon et ces fachos Le Pen, Louis est assez inquiet pour le Q.I. moyen en France. Si seulement les gens étaient un peu plus éduqués…
Louis est de gauche, c’est évident. Il aimerait que tous aient un salaire convenable, que les polos Ralph Lauren fleurissent, qu’il n’y ait que des cadres, que les taxis soient remplacés par des Uber. Louis s’y connait en politique. Pour l’instant il n’a pas eu le temps de tracter, surtout depuis qu’il a découvert une super boite de nuit où il trompe allègrement Sarah. Mais il n’hésite pas lorsqu’il reçoit chez lui à porter son t-shirt En Marche !.
Louis connait le programme de Macron sur le bout des doigts : il like la page Brut. Il faut libérer l’économie pour enrichir les salariés, il ne faut pas faire la guerre, il faut accepter les différences, il faut accueillir les immigrés, qui viendront enrichir les autres arrondissements que le XVIe. Après tout, tout le monde peut réussir, et ce n’est pas de sa faute si le travailleur qui prend le métro n’a pas un oncle DG de Total pour lui trouver un job d’été. Louis n’est ni de droite ni de gauche. Enfin surtout pas de droite, mais pas trop de gauche vu la politique fiscale socialiste. Louis est patriote (même s’il faut l’excuser pour ses actions planquées en Belgique). Demain, il a réunion de quartier En Marche !. Il va pouvoir échanger avec des gens venus de tous les horizons, de Beaugrenelle à Porte Dauphine.
Alors certes, Louis n’est pas le seul militant En Marche !. Il en a croisé beaucoup d’autres, mais rarement plus de deux fois. Les gens vont et viennent, c’est la vie, et Louis les comprend. Il est citoyen du monde.
Demain, Louis passe un entretien de motivation. En 2018, il espère intégrer une plus grande école. Il pourra mettre son costume, devenir riche, aider les pauvres. A moins qu’il ne change encore d’idées. Après tout, les valeurs rapportent peu.
Le Lozérien
A pleurer de rire !
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