(Nous rappelons que les opinions de nos contributeurs n’engagent qu’eux et ne lient en aucun cas la rédaction de la Pravd’Assas, ndlr)
Monsieur Macron,
Depuis 1958, dans l’esprit de la pratique gaullienne du pouvoir, les candidats à l’élection présidentielle aiment à défendre l’idée selon laquelle un Président, c’est une vision de la France. Comme d’autres lors de cette campagne, vous n’avez pas dérogé à cette tradition : « On se fout des programmes, ce qui importe c’est la vision » (RTL, 1er déc. 2016). Et personne ne vous donnera tort, la Vème République repose fondamentalement sur l’élection d’un leader, d’un véritable roi, qui incarnera l’esprit français pour les années à venir.
J’ai d’abord été fasciné par votre émergence, aussi fulgurante qu’inédite, sur la scène politique française. Vous avez réussi à vous imposer hors parti dans la course à l’Elysée, porteur d’un leitmotiv neuf, et d’un effet de communication terriblement efficace : « ni de droite ni de gauche ».
Et puis arrive votre programme, que vous avez mis tant de temps à poser sur la table du débat. La déception est terrible. Des mesures précises, froides, on ne sent pas d’orientation. Dès la deuxième mesure pour l’éducation du projet « pour bâtir une nouvelle France », on peut lire : « Nous interdirons l’usage des téléphones portables dans l’enceinte des écoles primaires et des collèges ». La mesure semble anodine, elle est en réalité d’une symbolique capitale.
À force de chercher le plus petit dénominateur commun à toutes les franges de notre société, vous en arrivez à livrer des propositions pour lesquelles un futur délégué de classe aurait pu plaider en début d’année scolaire : où est passé le roi élu ?
Y avait-il cependant matière à être réellement surpris par la tournure que prend votre campagne ? Les déclarations par lesquelles vous vous êtes tristement illustré depuis plusieurs semaines ont été les signaux d’alerte de ce virage, dans une direction inconnue. Elles en ont surpris quelques-uns et en ont déconcerté beaucoup d’autres ; j’étais de ceux-là.
Car M. Macron, on attend d’un vrai présidentiable qu’il ne se livre pas, sans cesse, à des manœuvres tactiques grossières. L’élection présidentielle, c’est « la rencontre d’un homme et d’un peuple », mais vous ne semblez vouloir vous adresser qu’à « des » peuples, au point qu’on ne sait plus si vous aspirez à rencontrer « le » peuple français.
Vous ne pouvez pas nous dire que la colonisation a apporté des éléments de civilisation, pour contenter les pieds noirs, puis affirmer sans sourciller que cela a été un crime contre l’humanité, en vue de rallier les troupes prétendument anticolonialistes.
Vous ne pouvez pas nous dire que le mariage pour tous « a humilié » une partie de la France, pour empiéter sur le vote catholique, puis dénoncer l’injustice faite aux couples de femmes interdites de PMA, pour ne pas perdre les voix des homosexuels.
Vous ne pouvez pas nous dire qu’ « il n’y a pas de culture française » pour séduire les uns, puis faire montre de la défendre, pour satisfaire les autres, en soutenant qu’il existe « un fondement de la culture française » M. Macron, si la synthèse peut faire une élection, elle fait rarement un mandat : l’exemple de M. Hollande devrait vous avertir, car au terme de son quinquennat, il n’aura convaincu le peuple que d’une chose, la réalité de son échec.
Vous ne pouvez pas persister à nous dire tout et son contraire. Car en somme, en voulant vous adresser à tout le monde, vous ne parlez à personne. Et en voulant tout dire, vous ne dites plus rien.
Un Président c’est une vision, mais M. Macron, la vôtre est de plus en plus floue. Soyez partisan !
Rudy Tordjman
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