En cette période d’élections, il est agréable de se détacher un temps du bouillonnement médiatique et prendre un peu de recul dans ces sanctuaires que sont les musées. Une rédactrice vous raconte son expérience de contemplation à travers les œuvres de Cy Twombly, artiste américain exposé en ce moment à Beaubourg.
Station Chatelet : l’affiche de l’exposition m’appelle à sortir plus tôt que prévu de la rame.
Au milieu d’un Paris mouvementé, je me dirige vers le Centre Pompidou.
Ce bâtiment, ovni parmi les immeubles haussmanniens du quartier, intrigue encore par ses tuyauteries sophistiquées et son allure de construction inachevée, rappelant son investissement pour la création contemporaine.
Se laisser porter par les escalators, en s’observant monter peu à peu au-dessus des toits de Paris, c’est un petit peu se préparer mentalement à recevoir l’art de ce peintre américain. Adieu vitesse urbaine, adieu frénésie du quotidien, adieu grisaille du métro.
J’expérimente l’exposition à l’aveugle : ne rien connaitre permet d’écarter tous préjugés et attentes qui perturbent parfois le regard. Je suis ici pour vivre l’œuvre de l’artiste.
S’asseoir dix minutes, une demi-heure devant, oublier le temps.
A mille lieues d’un art contemporain sur-intellectualisé et soi-disant conceptuel, Cy Twombly invite, il me semble, chacun à ressentir ses œuvres, plutôt que de chercher à les faire comprendre.
On décèle dans cette expressivité un retour aux arts primitifs. On retrouve notamment l’inspiration des premières expressions plastiques, à l’image de Empire of Flora, réinterprétation moderne des dessins préhistoriques.
Les lettres, véritable fil rouge de son œuvre, dansent entre écriture automatique, cursive ou brouillon : une stylisation qui aboutit à une certaine abstraction et fournit une esthétique tout à fait originale.
La monumentalité caractéristique de ses tableaux enveloppe le spectateur dans un univers hors du temps. Perchée au-dessus des toits de Paris, cette exposition apparait comme une bulle de plénitude au milieu du tumulte.
Elle n’est pas de ces expositions à succès où le public est invité à consommer l’art plus qu’il ne cherche à se l’approprier, à en tirer sa force.
Au loin, une instagrammeuse sans doute, essaie de capturer le moment de communion avec l’œuvre qu’elle vit. Peine perdue.
Non, Cy Twombly n’est pas photogénique : il a besoin de notre présence pour exister et exprimer sa force. Exit les expos « entre midi et deux », l’art ne prend ici sa valeur que par la contemplation. Ainsi, chaque tableau semble murmurer « Prenez le temps de savourer chaque ligne, chaque couleur pour qu’elles vous enrichissent, qu’elles vous nourrissent profondément. «
Si vous êtes stressé, saturé ou excédé par cette période électorale, prenez ce temps de silence, que ce soit dans l’exposition ou dans les collections permanentes : je vous assure, ça fait du bien.
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