À la recherche d’une belle plume, d’un beau combat, d’un rythme lent – comparable à la musique classique – et surtout d’un flow impressionnant, j’entends par flow les prouesses des rimes et des éternelles assonances, j’ai trouvé Gaël FAYE.
L’artiste franco-rwandais a sorti 2 albums, Pili-Pili sur un croissant au beurre (2013) et Rythmes et Botanique (2017), et a publié le roman Petit Pays (2016, éditions Grasset) – prix Goncourt des Lycéens. Toutes ces créations manient avec perfection l’intelligence d’une sémantique recherchée et le mordant sentiment de révolte.
Gaël FAYE, le MILITANT
Le combat de Gaël Faye n’est pas omniprésent dans son œuvre, mais il est remarquable de noter à quel point son identité a forgé son rap. Dans Pili-Pili sur un croissant au beurre (2013), nous découvrons un Gaël Faye tantôt idéaliste, tantôt profondément réaliste et pessimiste.
« Bujumbura, t’es ma luciole dans mon errance européenne » ; dans son célèbre Petit Pays (dans Pili-Pili sur un croissant au beurre – 2013), il assume pleinement cette dimension communautaire d’exilé (il est né à Bujumbura, au Burundi – limitrophe à la frontière Sud du Rwanda -, mais on a tendance à mêler l’histoire de ces deux pays de même composition ethnique, i.e. Hutus et Tutsi).
Son combat est celui d’un traumatisé du génocide des Tutsi d’avril à juillet 1994, qui, de mère Rwandaise et de père Français, « Quand deux fleuves se rencontrent » (Métis dans Pili-Pili sur un croissant au beurre – 2013), redécouvre ses origines et aspire à ne pas les oublier. C’est un rwandais intimement fier qui s’exprime dans ses albums. Mais c’est aussi un admirable témoignage d’un Africain pour une Afrique libre et indépendante (cela peut paraître angélique). Sa vision est pragmatique sur les faiblesses de l’Afrique, c’est à dire la fuite de ses élites. Dans Je Pars (dans Pili-Pili sur un croissant au beurre – 2013), il revendique cette indignation que doivent avoir les États Africains lorsque leurs élites sont en Europe : « Je pars, j’ai déjà fait mes valises / Je pars car nos modes de vies d’ici me scandalisent ».
Il s’est attaché à un autre combat, peut-être moins essentiel mais non mené sans brio. Il désire ardemment la renaissance du rap. C’est dans Fils du hip-hop qu’il va retracer l’histoire de ce mouvement musical révolutionnaire. Cette composition est un diamant, un enchainement rythmique démiurgique, une envolée poétique, un monument à la gloire du rap, une création verbale sans pareil.
En quelques furtives images, en quelques nerveux reflets, en quelques alertes réflexions, Gaël Faye griffonne un nouveau souffle à l’histoire du fils du hip-hop.
Petite musicographie de Gaël FAYE afin de le découvrir :
- Du talent à l’état pur avant toute chose. Il s’agit là d’un morceau au rythme lent (alternant caisse clair grosse caisse) sous une voix ferme, prononcé sèchement pour un flow d’une rare qualité. Fils du Hip-Hop doit être écouté avec le texte pour mieux en humer toute la saveur :
Lien YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=02O2lMSQMW4
Lien texte Genius : https://genius.com/Gael-faye-fils-du-hip-hop-lyrics
- Ensuite, le classique Petit Pays, première traduction de son combat pour son Pays des Mille Collines :
Lien YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=XTF2pwr8lYk
Lien texte Genius : https://genius.com/Gael-faye-petit-pays-lyrics
- Finalement, il faut toucher à la philosophie si vive, si véhémente de Tôt le matin, véritable ode à une autre vie :
Lien YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=NY_NoXztk-U
Lien texte Genius : https://genius.com/Gael-faye-tot-le-matin-lyrics
Quelques citations qui seront les bienvenues comme accroche dans vos dissertations provenant de Fils du Hip-Hop :
« De la bouche des égouts est sorti un mouvement
Qui s’invite dans les cocktails du bourgeois condescendant »
« Quand le chômage augmente les rappeurs deviennent précis
Quand les médias nous mentent les MC’s font les récits »
« La tête dans un keffieh, du cauchemar au rêve américain
Le rap boit du Moët dans une Bentley en chantant des refrains »
SR