450 millions, et alors ?

« 350 millions de dollars au bout du fil. Quelqu’un pour 400 millions ? 400 millions au téléphone devant moi ! Quelqu’un pour 425 millions ? Non ? Adjugé à 400 millions ! »

Ainsi le dernier de Vinci encore entre les mains de collectionneurs privés à New York s’est-il envolé hier soir. Salvator Mundi, achetée à 450,3 millions de dollars frais compris, devient alors l’œuvre d’art la plus chère jamais vendue. Initialement estimée à 100 millions, et adjugée en seulement 19 minutes avec 53 paliers, on peut dire que Christie’s a fait une affaire, surtout quand l’on sait que cette œuvre avait été vendue pour 45 livres seulement en 1858, alors que son attribution était encore incertaine.

Salvator Mundi était jusque là en possession du milliardaire exilé Dimitri Rybolovlev, président du club de l’AS Monaco, mais était passé auparavant entre les mains de bien plus prestigieux collectionneurs, Louis XII notamment, ce qui explique son prix. En effet, le marché de l’art a récemment fait l’objet de multiples scandales à propos de faux – rappelons-nous des faux meubles XVIIIème de Bill Pallot qui se sont retrouvés jusqu’à Versailles il y a deux ans – les acheteurs ont alors besoin d’être rassurés, les maisons de vente l’ont compris et misent désormais tout sur une provenance prestigieuse.

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Bien sûr, ce prix peut choquer. Mais souvenons-nous aussi des Femmes d’Alger de Picasso vendues à 179 millions il y a deux ans, ou encore du Basquiat vendu en mai à 110 millions. Ces œuvres n’étaient même pas parmi les plus renommées des deux artistes et ont pourtant atteint des sommets. Loin de dire que l’acheteur a fait une bonne affaire, une simple étude comparative du marché de l’art actuel met en lumière un résultat de vente presque raisonnable pour ce Salvator Mundi.

Le problème serait peut-être autre : comment se fait-il qu’aucun musée n’ait les fonds suffisants pour préempter ces œuvres ? Pouvons-nous laisser notre patrimoine entre les mains de cette élite milliardaire, prête à faire de bons placements pour n’importe quel prix ? Car, ne nous voilons pas la face, il ne s’agit très probablement que d’une énième opération financière qui poursuit le mouvement initié suite à la crise de 2008 par des investisseurs avides d’alternatives financières à l’immobilier.

450 millions, et alors ? Mais 450 millions pour considérer les œuvres comme placement financier, non.

Enfin, il ne nous reste plus qu’à espérer qu’un élan de générosité atteigne ce magnat car acheter une œuvre pour la cacher, n’est-ce pas la dévoyer de sa finalité ? N’est-ce pas en quelques sortes participer à sa destruction ? Dans ce cas, quelle différence entre la vente de cette œuvre à un anonyme qui s’apprête à la cloisonner et la destruction de Palmyre ? La violence du processus n’est pas comparable mais leur finalité semble s’en rapprocher : exclure l’humanité de ces merveilles …

Alors 450 millions, d’accord. Mais 450 millions pour soustraire le Salvator Mundi au public, non.

GCA

crédit image : @thisisspet

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