Tribune pour que :
1°) l’Amour redevienne une valeur phare et éclaire l’humanité de sa lumière
2°) Assas devienne le berceau du nouveau monde.
J’aimerais aujourd’hui parler d’actions qui se perdent. J’aimerais, par là, avoir la prétention – comme disait Guitry, vous savez que je les ai toutes, sauf celle d’être modeste – de remettre au goût du jour ces pratiques. Dans notre contexte actuel où les porcs sont balancés par les fenêtres, parlons poésie et séduction. Pour cela réfléchissons à partir d’un fait divers.
Il me vient en tête une histoire dans laquelle un ami et moi nous jasions joyeusement, l’alcool aidant, en terrasse d’un café. C’est alors qu’une jeune fille vint délicatement déposer un feuillet arraché probablement à son set de table à usage unique – la France, c’est avoir toujours de quoi écrire à portée de main, même lors d’un déjeuner arrosé. Notre allégresse avait dû l’exciter – probablement. Le message était simple, concis, explicite. « Votre allégresse m’a excitée » ; à cette note sensuelle s’ajoutait une dizaine de chiffres (servant sans doute à la contacter à l’aide d’un GSM dernier cri) – à tout hasard ou en cas de besoin.
Plusieurs choix s’offraient à nous, le problème étant que ni lui, ni moi n’avions prêté la moindre attention aux personnes qui nous entouraient et son visage, son corps, constituaient ainsi un mystère entier. Ajouté à cela : nous ne savions pas à qui le billet était adressé. Nous en vînmes rapidement à conclure qu’il nous était – évidemment – destiné à nous deux. Un plan à trois qui vous tombe du ciel, c’est pas mal mais ça dépend avec qui. Nous avions eu le temps de voir une chevelure blonde assez conséquente se diriger vers la rue Mouffetard. On s’enorgueillit rapidement lorsqu’un tel événement vous tombe dessus. Ça flatte l’ego, sans doute. J’ai toujours beaucoup aimé ce genre de pratique ; après tout, nous étions des animaux il n’y a de cela pas si longtemps et une telle pratique nous rappelle que, quoi qu’en disent les créationnistes, l’atavisme existe bien. Il s’agit ici, à partir d’une évaluation rapide, d’opter pour un partenaire sexuel. La part restante de hasard dans ce choix constitue le sel de l’aventure.
Il arrive souvent que vous n’ayez pas le temps d’apercevoir la personne qui veut rentrer dans votre vie par cet orifice là – comme dans notre cas présent. Malgré mon engouement face à ces pratiques, j’avoue ne pas avoir toujours fait ce qu’il fallait pour les encourager. Voyons plutôt la conversation textos-phonique engagée. Elle nous avait donc fait part de son excitation face à notre allégresse :
Nous : « Jusqu’à quel point ? » (C’est vil, mais la première étape teste les limites du sujet, pour savoir jusqu’où l’on est en droit d’aller)
Elle : « Au point de te revoir, pourquoi pas » (c’est mignon, on sent la fille pleine d’espérance, qui cultive un mystère qu’elle veut poétique – elle vient de donner son numéro à un inconnu dans un bar)
Nous : « Comment ça “pourquoi pas” ? » (La provocation et l’ironie commencent à pointer)
Elle : « Libre dans la semaine ? » (C’est là qu’elle est très forte ! Elle esquive la question, pensant encore qu’il y a espoir – naïve jeune personne. On voit bien qu’elle a tout mis dans ce dernier texto, c’est son saut dans le vide à elle – on peut pas tous être Kierkegaard…)
Nous : « Ça dépend, t’as une photo ? »
Elle : « Seriously ? » (L’Anglais montre bien son désarroi ; sa langue natale ne peut plus retranscrire ses émotions à partir de ce moment-là)
Puis :
Elle : « Tu sauras bien assez tôt. Le mystère est excitant. Il faut vivre dangereusement » (Je vous avais prévenu qu’elle cultivait le pseudo mystère poético-romantique. La dernière phrase est en trop à n’en point douter…)
Nous : « Hm. Pas trop. »
Après ce premier stop, il s’agit maintenant de faire ressortir les ressorts masculins les plus connus ; en bref, passer pour un Jacko de premier rang (tout en restant courtois – par là, on la plonge dans l’incompréhension la plus totale : pourquoi diantre Jacko sait-il écrire ?) :
Nous : « Tu es passée de façon furtive tout à l’heure, j’aimerais savoir à qui j’ai affaire avant d’engager une action qui se soldera sûrement par un sauvage rapport sexuel engageant mon sexe et ton sexe dans une folle farandole buccale, vaginale, (annale ?) » – Fin de la discussion.
La demande de photos peut être vue comme une étape nécessaire ; il y a toujours un pourcentage de chance pour qu’elle vous envoie des photos coquines ou – mieux encore – des photos d’elle retouchée sur Photoshop où elle essaye de mettre en valeur ses atouts – qui, si elle en a besoin, sont moindres. Dans le dernier cas, toujours faire preuve de vigilance : il peut s’agir d’un thon humain. La chose est commune sur les applications de rencontre, Tinder ou similaire, ainsi que sur notre réseau social préféré. On croit avoir trouvé un petit dauphin jusqu’au moment où l’on se trouve confronté à acné, appareil dentaire, champignons et mycoses vaginales. C’est moche ; déjà on ne la reconnaît pas lors du rendez-vous et en plus faut lui faire comprendre à ce moment-là qu’il y a eu erreur sur la marchandise. Comme disait Oscar Wilde, il n’y a que les gens superficiels qui ne jugent pas sur l’apparence.
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Rétrospectivement, regardons l’histoire avec une certaine amertume. Cette jeune demoiselle s’était donnée âme et corps dans cet acte de courage ou de témérité. En réponse, elle n’a reçu que moqueries et quolibets de la part de deux compères arsouillés.
C’est pourquoi, aujourd’hui, afin de racheter le comportement de nos deux bonshommes, j’en appelle à un grand mouvement qui, par terre et par mer, contre vents et marées, tempêtes ou ouragans, envahira notre illustre Université, se propagera sûrement ensuite aux autres facultés , puis ensuite à Paris, la province, l’Europe et le monde entier. Cette onde sonore, aux échos dont on ne peut encore soupçonner la puissance, s’étendra aux astres, aux silences des espaces infinis, à la galaxie toute entière et bien plus loin encore. Nous briserons l’histoire en deux, de sorte que les générations futures vénèreront cet acte comme le début d’une nouvelle ère, nouvelle ère qui aura pris son essor et son inspiration à l’Université Paris II Panthéon-Assas.
Que toi, jeune dame qui attend à la machine à café en face d’une jeune femme ou d’un jeune garçon dont l’allégresse t’excite, utilise ce post-it dont tu te sers pour ton cours de droit administratif pour quelque chose de sémantiquement plus abyssal, utilise-le pour donner ton 06. De même, toi, jeune héros, sors de ton spleen juridique et partage ces dix chiffres qui t’ont été donnés aléatoirement par cette compagnie téléphonique avec laquelle tu as contracté.
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Mesdames les professeures, Messieurs les professeurs, chères étudiantes, chers étudiants, Mesdames, Messieurs,
Au nom de la sexualité débridée, au nom des orgies, des orgasmes, de la beauté du sexe et de la séduction, au nom des différentes positions offertes par le Kamasutra, des jouets sexuels que notre génération stupide mais prolifique a su inventer en nombre dépassant notre petite imagination étriquée, de la mesquinerie d’un Spotted derrière lequel se cache les amours qui ne demandent qu’à être exposées au grand jour, de la médiocrité d’un Tinder qui vous dispense d’un contact charnel et du coup de foudre IRL, au nom de l’esprit, de la culture et des pouvoirs de l’obscurantisme de tous les démons de la terre, au nom des féministes et des animalistes, des végétalistes et des minimalistes, des mandolinistes, abondancistes, kayakistes et cruciverbistes, au nom de toutes ces choses en –istes, au nom du passé et de l’avenir, de la matière et de l’antimatière, AU NOM DE TOUT CELA ET DE BIEN D’AUTRES CHOSES ENCORE, BALANÇONS NOS 06.
Antoine de Sarcy