Une liste interminable des plus grands artistes du XXe siècle, une communication massive et sans fausse note, un rayonnement médiatique total … rien ne manque à l’appel. Sans surprise, le succès était d’avance annoncé pour l’exposition-évènement de la prestigieuse Fondation Louis Vuitton, « Être moderne – Le MoMa à Paris ».
L’offre est prometteuse pour le peuple parisien ; celle d’un voyage dans la collection du MoMa (Museum of Modern art of New York), véritable sanctuaire de l’art moderne. Si la fondation peut se vanter d’avoir le prix d’entrée le moins abordable des établissements culturels parisiens, 16€ reste toujours moins cher qu’un aller-retour à NY. Exposer la modernité, telle est l’ambition de cette sélection des plus spectaculaires des chefs-d’œuvre du dit musée. Excitant ? Pas vraiment.
La Fondation Louis Vuitton, supermarché artistique
Cézanne, Klimt, Warhol, les plus grands noms se succèdent de façon chronologique, leurs œuvres résumées pour la plupart d’entre eux en deux-trois pièces. Aux côtés de chacune d’elles, des cartels apportant quelques clefs de lecture, complètent la visite. Sans nier que le parcours puisse être intéressant grâce à cette remise en contexte, un goût de fadeur reste néanmoins dans la bouche.
Faut-il se réjouir de la valeur didactique de cette exposition, comme une narration américaine de l’histoire de l’art moderne ? L’impact de cet apport artistique mérite d’être mis en doute. Chacun pourra se vanter d’avoir vu les plus grands artistes du XXe siècle, mais que retiendra-il de chacun d’eux, de leur approche de la modernité ?
Dénuée de réflexion artistique, nous assistons ici au déplacement d’une partie de la collection temporaire du MoMa en France, ni plus ni moins. Le travail du commissaire d’exposition, suivant une chronologie des plus classiques, ne suggère ni ligne de pensée, ni fil rouge. Pourtant doté des meilleurs ingrédients, il n’est pas arrivé à mêler les saveurs. En effet, ces œuvres emblématiques de l’histoire de l’art ne dialoguent pas entre elles et se font face tristement.
Quel paradoxe de parler de modernité lorsque tout, de la scénographie au regard sur les œuvres, renvoie à une façon d’exposer classique si ce n’est périmée.
Pour l’amour de l’ar(gen)t ?
La Fondation Louis Vuitton, à l’image de son écœurante collection de sacs réalisée avec Jeff Koons, ne laisse aucun doute quant à sa politique culturelle. Dans cette antre de consommation artistique, la création s’annonce avant tout comme un business fructueux. Puisque « pour la culture, on ne compte pas » !
L’évènement s’adresse à tout le monde comme à personne, dont le seul objectif semble d’atteindre un score de fréquentation non seulement rentable, mais bénéficiaire. En effet, plus le sujet est général, la période artistique étendue, et le nombre d’artistes important, plus l’exposition sera susceptible d’attirer un maximum d’amateurs. L’affiche de l’exposition rend elle-même compte de cette publicité, énumérant les monstres de l’art tel un cuisinier énumérant les ingrédients de sa recette. Malheureusement, la mayonnaise ne prend pas.
La volonté d’exhaustivité est prégnante, mais irréalisable en l’occurrence ; elle n’aboutit qu’à une overdose d’art. Comment ce trop-plein d’œuvres ne peut-il pas nuire à l’appréciation du spectateur devant chacune d’entre elles ? Que ce soit du Malevitch ou du Signac, un tableau ne peut s’appréhender par un survol du regard.
Et si à force de tout avaler, il ne nous restait rien des œuvres ?
Claire A.
« Être moderne – Le MoMa à Paris »
Du 11 octobre au 5 mars 2018
Fondation Louis Vuitton
Une réflexion sur “Le MoMa à Paris ou la boulimie artistique”