(Nous rappelons que les opinions de nos contributeurs n’engagent qu’eux et ne lient en aucun cas la rédaction de la Pravd’Assas, ndlr)
Ce texte vient répondre à une tribune publiée précédemment dans nos colonnes, disponible ici.
Bon, et bien une tribune que l’on peut qualifier d’engagée vient de sortir, il est donc normal qu’une contre-tribune, toute aussi engagée et énergique lui réponde.
Un auteur a publié pour nos doux yeux asséchés par les révisions une opinion qui est la sienne et qui d’après les réactions que sa publication a entrainées, reçoit un écho certain parmi la population étudiante de Paris-II.
C’est un étrange produit que cette tribune, qui partant de constatations simples arrive par force de raccourcis et d’amalgames à insulter l’ensemble des étudiants qui essayent tant bien que mal de lutter pour leurs idées.
L’on peut résumer son propos en deux point qu’il faut examiner successivement.
1) « Les bloqueurs sont des feignasses qui empêchent les vrais étudiants de travailler »
Celle-là mes amis (permettez cette familiarité) est un classique de la rhétorique anti-contestation par excellence.
Il ne s’agit pas de proclamer l’anarchie ni d’abolir toutes les règles, mais de se faire entendre par l’autre partie à la discussion en s’assurant son attention lorsque celle-ci refuse d’y prendre part.
Car, comme l’a très sympathiquement passé sous silence l’auteur de la tribune, le gouvernement a une idée du dialogue social bien à lui qui consiste à refuser d’entendre les partenaires sociaux et à imposer unilatéralement son avis par voie d’ordonnance.
Cette méthode autoritaire semblait pour la population acceptable dans le cadre de la réforme du Code du travail, étant donné que le fond comme la forme de la réforme faisaient partie du projet initial de la majorité. Elle l’est, curieusement, beaucoup moins lorsque les sujets en cause, libéralisation (et pas privatisation !) du transport ferroviaire et sélection à l’entrée de l’université, n’ont jamais fait partie des projets du Président.
Une fois cette information prise en compte, l’attitude et la méthode de contestation des cheminots comme des étudiants se justifie. Le débat démocratique a été refusé par le gouvernement, le peuple n’a donc d’autre choix que le rapport de force pour se faire ne serait-ce qu’écouter.
La contestation par voie de blocage n’est pas souhaitée par les étudiants (les vrais comme les faux d’ailleurs, même si les critères pour distinguer les deux sont curieusement absents de la démonstration de la tribune originale), elle leur est imposée.
Il est bien sûr très confortable de penser que les personnes qui nous nuisent ne le font que pour nous nuire, c’est la base de tous les discours sécuritaires. Mais ces étudiants sont autant pénalisés par leur contestation que nous autres, voire plus étant donné que leur identité est connue et que les critères de sélection pour les Masters sont discrétionnaires.
Quelle est leur motivation alors ? Pourquoi se pénalisent ils ? Parce qu’ils sont des citoyens. Parce qu’ils consentent à faire des sacrifices pour leurs idées. Bien sur leur consentement nous engage, mais c’est d’une part malgré eux, et d’autre part du fait principal de leur interlocuteur.
2) « Absence de sélection à l’entrée de l’université = dévalorisation des diplômes »
Celle-ci est juste magique. Et pour une seule raison qui peut sembler banale, c’est que les deux phénomènes n’ont aucun rapport.
Où avez-vous vu cette affirmation démontrée ? Question rhétorique, nulle part ! Et pourquoi ? parce que la sélection à l’intérieur de l’université existe et se charge très, voire trop selon certains, bien de sélectionner les étudiants avant l’obtention de leur diplôme.
Ainsi, pour utiliser ce langage économique qui semble si cher à l’auteur de la tribune, l’offre de diplômes est inférieure à la demande réelle, et sa valeur est donc élevée.
Et pour vous convaincre de la réalité de cette affirmation, observez le nombre d’étudiants qui sortent du circuit universitaire en licence, ou le rapport nombre de postulations/nombres d’acceptés en Master.
Chers lecteurs ne vous inquiétez donc pas, votre diplôme, dont l’obtention est plus ou moins hypothétique selon les cas aura de la valeur bien que vous n’ayez pas été sélectionné à l’entrée de l’université.
Pour être tout à fait sincère, si l’on fait fi des règles de grammaires, et que l’on lit entre les lignes l’on comprend mieux ce qui motive l’auteur à avancer une telle affirmation. L’auteur semble partir du cas extrême des quelques étudiants qui demandent la moyenne d’office à leurs exams, qu’il généralise ensuite sans aucune raison à l’ensemble du mouvement, et en conclut qu’une telle demande induirait une dévaluation des diplômes (tavu moi aussi je parle l’économique #medefstreetcred).
Le problème étant que les bloquants, et plus généralement, l’ensemble des personnes opposées à cette sélection ne souhaitent pas dans leur majorité cette mesure extrême. Dès lors l’argumentaire de l’auteur est, à ce sujet, une tentative volontaire et ferme d’enfoncer une porte parfaitement ouverte.
Finalement, il est assez regrettable qu’une telle contre-tribune soit nécessaire. L’on peut discuter calmement du bien fondé de la vague de blocage (en allant peut-être à une Assemblée Générale d’ailleurs). Il est cependant regrettable de voir de tels arguments qui calomnient ceux qui ne sont pas du même avis que l’auteur pour les tourner en ridicule. Une manipulation sémantique aussi maladroite et désolante traduit un refus de comprendre les motivations des autres pour se complaire dans ses propres idées préconçues.
Pierre Montero