Etudiante à Assas, je suis partie le mois dernier en vacances au Cambodge. A Phnom Penh, j’ai eu l’occasion de visiter l’école bâtie par une association scolarisant des enfants qui auparavant mendiaient ou travaillaient dans une décharge. Voici son histoire.
Au début il y avait une décharge, des enfants, des rats, des maladies et des tonnes d’ordures étalées sur des kilomètres carrés. On est en 1995, à l’ouest de Phnom Penh, capitale du Cambodge. Aussi ébahis que terrifiés, un couple de français, Christian et Marie-France des Pallières, découvre ce spectacle : des enfants, qui n’ont parfois même pas quatre ans, pataugeant dans des montagnes de détritus. Ils tentent de dénicher une canette, un objet qu’il pourrait revendre, de la nourriture pour leur déjeuner. L’odeur est insupportable et pourtant ils sont là, au milieu des bulldozers qui tassent ces monticules sans même faire attention à ne pas écraser un bras, une jambe ou une vie sur leur chemin.
A la fin de la journée, les enfants rentrent chez eux avec l’argent qu’ils ont réussi à gagner et les déchets qu’ils ont pu ramasser pour le diner. Ils espèrent que cela suffira pour nourrir leur famille, pour échapper au bras parental souvent violent. La plupart des pères de ces enfants ont souffert sous le régime khmer rouge. La cruauté de cette guerre, qu’ils l’aient subie ou administrée, les a transformés en hommes violents, alcooliques, fous, accentuant la misère dans un pays déjà meurtri, où 70% des enseignants ont été exterminés. Même après la guerre, le traumatisme continue.
Anéantis mais bien décidés à améliorer le quotidien intolérable de ces enfants, Christian et Marie-France des Pallières rentrent en France. Ils racontent l’horreur de la décharge, expliquent la nécessité de lever les fonds pour sauver ces enfants, a priori condamnés. En 1996, ils ouvrent une première paillote à partir de laquelle ils distribuent, chaque jour, plusieurs centaines de repas complets aux enfants travailleurs. Leur situation s’améliore certes un petit peu mais le problème demeure. Il faut trouver une solution pour sortir ces enfants de la décharge, des milieux violents dont ils sont issus, les scolariser, leur donner une chance de vivre. C’est ainsi que prend forme le projet Pour un Sourire d’Enfant (PSE). En attendant de lever davantage de fonds et de pouvoir créer un véritable établissement scolaire, une infirmerie est mise en place au sein de la paillote et le couple de français se rapproche des enfants pour gagner leur confiance.
En 1998, ouvre le premier bâtiment scolaire de PSE, à un kilomètre de la décharge. Y sont scolarisés les enfants en âge d’être à la maternelle. L’école est khmère et respecte le programme décidé par le ministre de l’éducation cambodgien. Mais comment convaincre les familles d’envoyer leurs enfants à l’école plutôt que travailler à la décharge « grâce » à laquelle ils gagnent un peu d’argent ? Pour s’assurer leur bonne volonté, le couple échange la scolarité de l’enfant contre des sacs de riz. Toutes les semaines, une famille qui a accepté la scolarisation de son enfant reçoit la dose de riz nécessaire à ses besoins. Des milliers de tonnes sont ainsi distribuées chaque mois.
Au fur et à mesure des années, les besoins se font de plus en plus grands, de nombreuses classes s’ouvrent. Rapidement, c’est une école qui prend en charge les enfants de la maternelle au bac qui est en place. On veut donner à ces enfants de la décharge une chance de sortir définitivement de la misère et de la violence dans laquelle ils ont grandi. Quand il s’est aperçu que les enfants ou jeunes adultes diplômés retournaient souvent à la décharge après leur scolarité, le couple de français a décidé d’étendre encore le champ d’action de PSE. Désormais, l’association dispense aussi des formations professionnalisantes, offrant une véritable porte d’entrée aux jeunes adultes sur le marché du travail cambodgien. Pour s’assurer de l’excellence et donc de l’efficacité de leurs formations, PSE a noué de nombreux partenariats avec les meilleurs formations européennes : l’école d’hôtellerie de Lausanne pour la formation restauration/hôtellerie/tourisme, l’ESSEC pour la formation en comptabilité management. Il existe plus de 28 possibilités de formations différentes pour les lycéens.
Aujourd’hui, PSE représente 6 000 enfants scolarisés dans tout le Cambodge. Non contente de se développer à Phnom Penh, l’association s’est étendue à deux autres grandes villes : Sihanoukville et Siem Reap (connue pour sa proximité avec le temple d’Angkor Wat notamment). Si la décharge a été géographiquement repoussée et est désormais fermée au public, il reste au Cambodge un grand nombre d’enfants vivant dans une misère incommensurable : ramassant des déchets recyclables dans la rue, mendiants, abandonnés ou presque car handicapés etc… Ce sont ces enfants en grande détresse sociale que l’association PSE prend en charge chaque jour contre des tonnes de riz distribués aux familles.
J’ai visité cette école en avril dernier après avoir regardé le film Les Pépites, retraçant l’histoire de PSE, réalisé en 2016. Si cet article vous a intéressé et que vous aimeriez en savoir plus, n’hésitez pas à voir ce documentaire réalisé par l’école de cinéma de PSE et enrichi de nombreux témoignages d’enfants rescapés de la décharge. C’est bouleversant et passionnant. Vous pouvez aussi visiter leur site Internet. Enfin, si vous passez un jour à Phnom Penh, allez y faire un tour, les visites sont gratuites, disponibles en français et le restaurant servant d’exercice à la formation d’hôtellerie dont le service est excellent, les plats délicieux et les prix peu onéreux.
Bérénice Poirier
Site Internet : https://pse.ong/
j’aime me promener sur votre blog. un bel univers. Très intéressant et bien construit. Vous pouvez visiter mon blog récent ( lien sur pseudo) à bientôt.
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