Le mythe du provincial

Lundi 1er octobre, 9h00, amphi 1, rentrée en L2.

Deux étudiants échangent quelques banalités comme il est d’usage lors d’une première rencontre entre deux inconnus :

      A. : Tu connais le prof ?

      B. : Gohin ? Non, mais il parait qu’il est sympa…

   A. : Cool, cool, j’ai vraiment hâte de m’imprégner de toutes les subtilités du droit administratif français !

Bref tout se déroule normalement quand soudain, c’est le drame :

      A. : « J’ai fait ma L1 en province. »

A ces mots, le sourire poli jusqu’alors affiché par B. s’efface. Le regard de son interlocuteur devient difficile à soutenir, son ventre commence à se serrer, un malaise s’installe. Soucieux de mettre fin au plus vite à cette discussion qui a déjà trop duré, B. prétexte avoir reconnu une amie assise quelques bancs plus bas et, sans plus tarder, s’enfuit loin du malheureux qui avait eu l’audace de s’aventurer dans les contrées obscures au-delà de l’Ile-de-France.

Le mythe du provincial avait encore frappé.

Le mythe du provincial s’appuie sur une histoire dont la littérature classique française est éprise : celle d’un petit rural ou d’une innocente provinciale qui, attiré par les lumières de la capitale, abandonne ses sabots bouseux pour rejoindre Paris.

Lui, jeune loup aux dents longues, est fasciné par le pouvoir et Monsieur qui l’exerce ; elle, brebis loin de son troupeau, ne rêve que des perles et de Madame qui les porte (sexiste me direz-vous, mais la plume du XIXe n’est pas très #BalanceTonPorc).

Hier encore, ils se nourrissaient de purin et couchaient même probablement avec leurs cousins. Dès lors, comment ne pourraient-ils pas être émerveillés devant chaque lampadaire, chaque voiture, chaque pavé de la capitale ?

Finalement, au terme de nombreuses péripéties, nos deux Icares, ayant voulu s’approcher trop près du soleil, se brûlent les ailes et s’écrasent face la première dans la fange qui leur est si chère.

Voilà le mythe du provincial. Ainsi relaté, nous pouvons dégager 3 principes fondamentaux sur lesquels repose ce récit :

  1. Le provincial est un demeuré.
  2. Paris est une ville lumière, astre éblouissant au milieu de la plus obscure des pénombres.
  3. Paris n’est pas une femme facile, elle ne s’offre qu’à une élite : les parisiens.

Ces principes, fantasmes de l’écrivain et de son lecteur parisien, érigés en vérités générales par eux, persistent toujours en 2018.

Et comment ne persisteraient-ils pas ? Comment ne pas être séduit par une telle présentation ? Oser une remise en cause, ce serait s’attaquer à la supériorité de la capitale et de ses natifs, chose bien entendu inaudible pour le boulard surdimensionné de ces derniers.

Cependant, ce mythe a assez duré et il est temps d’y mettre un terme ! Amis provinciaux, voyez en ces lignes, un appel à la révolte, le début d’une nouvelle ère : celle où nous nous réapproprions notre honneur, celui de nos ancêtres, celui de nos régions et de leur terroir. Ami sudiste, sois fier de ton accent ! Camarade chti, porte haut les saveurs de ton Maroilles ! Compagnon savoyard, vante la pureté de ton air sain ! Frères et sœurs des 35 356 autres communes que compte le territoire français, aimez les clochers de vos églises et les murs de vos châteaux – ils n’ont rien à envier à la capitale. Chérissez l’odeur de vos régions – le fumier vaudra toujours mieux que les couloirs du métro parisien.

Parisiens tremblez. Les provinciaux n’ont à perdre que leurs chaines. Ils ont un monde à gagner.

Provinciaux de tout le pays, UNISSEZ-VOUS !

 

P.S. Ne vous fâchez pas, je vous aime bien les parisiens et puis moi aussi j’ai un melon énorme. Pour me faire pardonner, passez faire un tour à la maison, y’a du rouge et de la moutarde comme vous n’en avez jamais goûtés.

P.P.S. Par contre, pour m’avoir menti sur Gohin, t’es pas invité B.

 

AG

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