La nuit était douce, la brise apaisante, le ciel étoilé. Vous ouvrez les yeux, sortez de chez vous. Tout est détruit. Voitures brûlées, symbole républicain tagué, odeur de soufre, traces d’affrontements. Après un rêve agréable, la réalité vient bousculer votre vision.
Réveil brutal pour une France qui découvre une société à bout de souffle. Épuisée que le travail ne suffise plus à vivre et permette à peine de survivre.
La diversité sociale de ce mouvement laisse présager un ras le bol total d’un mode vie qui ne fonctionne plus. Les revendications sont variées mais elles se rejoignent toutes pour demander qu’enfin, le travail permette de vivre et que le salaire sur le compte en banque corresponde à ce qui est réellement mérité.
C’est ici que tout se rejoint, une hausse du pouvoir d’achat non pas tant par une augmentation du salaire mais par une baisse des taxes.
Il est utile de rappeler qu’en France, pour l’année 2017, les impôts et cotisations sociales représentaient 48,4% du PIB (1), un tel taux d’imposition plaçant la France loin devant les autres pays de l’Union Européenne.
Rappelons également que la France est un pays où pour environ 1200 euros net sur la fiche de paie, le coût réel du salarié est de 3000 euros. Les 1800 euros restant partant en grande partie en charges et en impôt sur le revenu. Une fois les 1200 euros versés sur le compte, il faudra payer les achats dont le prix est augmenté en raison de la TVA. Vos biens seront alors retaxés à votre mort lors de la succession. Enfin, et si malgré tout cela vous réussissez à obtenir des biens conséquents, ils seront taxés dans le cadre de l’ISF immobilier. Dans un pays où le taux des prélèvements obligatoires ne cesse d’augmenter, le fossé entre ce qui est payé par l’employeur, reçu par le salarié et réellement utilisable se creuse de plus en plus.
C’est ce sentiment justifié que l’individu travaille en réalité plus pour un état – qui ne cesse de dépenser toujours plus d’argent (2) – que pour lui-même, qui provoque ce sentiment d’injustice terrible entraînant un mécontentement grandissant.
Malgré cela, la France reste le pays où les aides existent à foison, où les études sont gratuites (ou pratiquement) et où se soigner ne coûte presque rien.
Voici le gouvernement sans solution. Dans un pays socialiste depuis trop longtemps, un pas vers un libéralisme, un droit à disposer de ce qui est légitimement dû pourrait apaiser les tensions. Diminuer drastiquement les dépenses, l’impôt, les charges. Ce libéralisme ne serait pas sans conséquences. C’est ici qu’une contradiction apparait. Pour le mouvement, le changement est souhaitable mais sans pour autant diminuer les aides, le remboursement des frais médicaux en tout genre. Or une diminution des revenus de l’état liés aux charges et à l’impôt engendrerait directement une diminution des aides directes ou indirectes.
Vaudrait-il alors mieux recevoir les 3000 euros réellement payés par l’employeur directement dans sa poche et devoir payer le juste prix des opérations médicales (3000$ pour une appendicite, plusieurs centaines de milliers pour un cancer), le juste prix des études ?
Dans une société paradisiaque où le citoyen ne paye en réalité presque rien, où il est habitué à être aidé, à s’appuyer sur l’état pour vivre, pour acheter des biens, pour se soigner, il serait difficilement concevable d’emprunter un chemin aussi individualiste et libéral qui ne correspondrait nullement à l’état d’esprit français.
Les manifestations sont le signe d’un système qui suffoque dans une fumée épaisse, fruit d’un feu qu’il a lui-même créé et entretenu. Le mirage du rêve social français est terminé. Le réveil risque d’être difficile car ici, il n’y a que des mauvaises solutions.
La nuit était douce, la brise apaisante, le ciel étoilé. La journée sera amère, l’air difficilement respirable, le ciel sombre. Une nuit trop longue pour un jour sans fin.
Raphaël Revah
Une réflexion sur “Gilets jaunes, la fin du rêve français”