Science
L’atome est l’une des plus petites particules existantes dans l’univers. D’abord théorisé par les penseurs grecs comme la particule fondamentale de la matière (d’où son nom, qui vient du grec atomos, ou insécable, qu’on ne peut diviser et donc la particule à partir de laquelle tout est construit) il ne fut découvert que tardivement par les chimistes et physiciens européens au début du XIXème siècle.
Ils sont composés d’un noyau – lui-même composé de charge électrique positive (les protons) ou neutre (les neutrons) – et d’un nuage électromagnétique au sein duquel orbitent les électrons, chargé négativement en électricité. La plupart du temps la charge totale de l’atome est neutre, car il s’agit d’une position stable. Il peut avoir une charge électrique positive ou négative – on l’appelle alors ion – mais c’est une configuration instable et donc moins commune. La configuration dans un atome de protons, neutrons, et électrons est à l’origine de ses caractéristiques. Leurs caractéristiques sont à l’origine de leur classement dans le fameux tableau périodique des éléments selon leur nombre de protons, c’est-à-dire selon leur complexité. Le travail des scientifiques a été pendant des décennies non seulement de les classifier, de calculer et de mesurer leurs propriétés mais aussi de remonter l’histoire de la matière elle-même, et c’est ce sur quoi nous allons nous pencher dans ce numéro.
Les périodes passées de l’univers que nous avons réussi à reconstituer nous décrivent – pour les plus anciennes – un espace chaud, dense, et sans construction complexe. Une expansion soudaine et massive de l’univers – le phénomène à l’origine de la notion de Big Bang – l’a refroidi progressivement et l’a rendu de moins en moins dense ce qui a permit aux particules fondamentales s’y trouvant de former les premiers atomes grâce à la force nucléaire forte dont nous avons parlé dans le précédant numéro. Les atomes les plus simples se forment du fait de cette simple force : l’hydrogène et son seul proton, ainsi que l’hélium et ses deux protons. Sous l’effet de la gravitation des nuages de gaz massif – nos futurs galaxies – et plus localement des étoiles se sont formées. Du fait de leur intense chaleur, les étoiles font office de « forges » et vont créer durant leur fusion les atomes compris entre le lithium – 3 protons – et le fer – 14 protons –. Une fois que les étoiles ont finit de consommer leur gaz et s’effondrent sur elles-mêmes, ces astres sont capables – du fait de l’énergie libérée – de produire des particules très rares, plus lourdes que le fer et indispensable à la Vie tel que nous la connaissons.
L’exemple le plus marquant est sans doute l’or. En mourant certaines étoiles deviennent des étoiles à neutrons. Elles ne dépassent guère les quelques dizaines de kilomètres mais sont un milliard de fois plus dense qu’une étoile standard. Il s’agit donc d’objets spatiaux dotés d’une grande énergie. Si l’une de ces étoiles venait à rentrer en collision avec une des ses semblables, la quantité d’énergie présente à l’impact sera assez forte pour créer l’or. Une telle collision ne se produirait selon nos calculs que tous les 100 000 ans dans la voie lactée.
Depuis le XXème siècle nous maîtrisons plus que jamais le pouvoir de l’atome et nous en avons même créé de nouveaux, au nom toujours plus imprononçable comme le Roentgenium ou le Darmstadtium.
Art
L’avancée de la science est sans relâche. Les découvertes sont parfois loin de nos attentes. Les exemples les plus frappants sont les « trois humiliations » de Freud. Dans l’ordre chronologique : l’héliocentrisme, la théorie de l’évolution, l’inconscient. Depuis, et malgré leurs fantaisies, les humains savent qu’ils ne sont pas le centre de l’univers, ni même du vivant, ni même maître d’eux même. Pendant des siècles notre espèce s’était rassuré, s’efforçait de se croire maître de son monde et de sa vie. Toutes les religions n’expliquent-elles pas l’origine de l’humain et de son monde par des cosmogonies ? N’essayent-elles pas d’expliquer ou de réduire la menace de la mort ? Avec le temps nous avons découvert la fragilité de notre existence, et dans un sens sa futilité. Cela ne fut pas sans conséquence pour l’art, et à mon sens un artiste brille particulièrement dans ce portrait sombre : Lovecraft.
Lovecraft est un auteur d’horreur et de science-fiction américain du début du XXème siècle, ayant principalement vécu de sa plume dans la pauvreté sur la côte Est du pays. Il s’agit en effet d’une période sombre aux yeux de l’auteur. L’archéologie a fait des bons phénoménaux et nous découvrions alors la grandeur des civilisations nous ayant précédés, nuançant ainsi notre unicité et notre propre grandeur. En science, nous découvrions l’inconscient et les limites intrinsèques de l’humain qu’il supposait, et en même temps nous réalisions que l’univers avait une histoire et des dimensions plus grandes, plus vastes encore que nous ne l’eussions imaginé. Cette conjoncture ne cessait de rabaisser l’humain, de rendre la religion et la foi inutile et injustifiée – une critique très récurrente chez Lovecraft –. C’est cette vision du monde qui imprégnât l’auteur dans son œuvre.
Lovecraft était un homme de lettres dès son plus jeune âge, mais montrait aussi un intérêt varié aussi bien aux sciences qu’à l’Histoire. Il était particulièrement intéressé par les mythes populaires de sa contrée natale, la côte nord-est des Etats Unis, et l’histoire de cette région. De son vivant, il ne s’agissait pas d’un auteur connu, publiant des nouvelles dans un journal de faible envergure de New York le Weird Tales. Son style et ses thèmes créèrent tout de même un public de niche, admiratif de la synthèse singulière de peurs et de mythes primordiaux aux angoisses des temps modernes et menaces présagées par l’avenir. Il a entre autres assisté l’auteur Robert E. Howard dans la création de Conan. C’est la postérité qui, à l’instar d’Edgar Allan Poe, donna ses lettres d’or au nom de Lovecraft. Pour beaucoup d’académicien il est, avec Tolkien et Howard, l’un des piliers de la fantaisie moderne.
Le mouvement qu’institua Lovecraft n’a cessé de gagner en popularité depuis. Il s’agit du Cosmicisme. Les caractéristiques de ce mouvement sont multiples et renouvellent sans cesse l’inhospitalité de notre environnement – tant proche que plus large – vis-à-vis de notre espèce. Ce « genre-philosophie » nie l’existence d’un divin appréhendable par l’humain, n’y voyant que les projections superstitieuses d’une espèce primitive. Les forces de l’univers sont conçues comme impersonnelles, dépassant la compréhension humaine et indifférente à lui, relevant purement de la mécanique ou dans certaines histoires d’entités si différentes, si supérieurs, qu’elles en deviennent incompréhensibles. L’idée centrale de ce mouvement est l’insignifiance de l’humanité. L’horreur des histoires de Lovecraft n’est pas tant dans l’absence de sens, mais dans l’impuissance des humains à agir sur ce sens même alors qu’ils sont confrontés à des menaces ontologiques ou cosmiques, et c’est bien souvent la recherche de la vérité et faire face à son sens profond qui les mènent au désastre.
S’il y a bien des « créatures » de la mythologie lovecraftienne – le célèbre dieu noir Cthulhu, les goules, ou les profonds – il faut avant tout y voir soit une référence aux anciens mythes (projections de l’humain sur un monde qu’il ne comprend pas) ou bien une symbolique plus profonde. Cthulhu, est une entité mystérieuse dans les récits de Lovecraft (bien que très – trop – développée dans les œuvres de ses successeurs). Les seules informations dont le lecteur dispose sont son règne sur la Terre longtemps avant l’avènement des hommes, et son immortalité tandis que « dans sa demeure de R’lyeh, Cthulhu rêve et attend », inspirant les vers suivants : « n’est pas mort ce qui à jamais dort, et au long des ères étranges peut mourir même la mort ». « Nul ne saurait décrire le monstre ; aucun langage ne saurait peindre cette vision de folie, ce chaos de cris inarticulés, cette hideuse contradiction de toutes les lois de la matière et de l’ordre cosmique. » Le dieu est entouré de mystère, se tenant à la périphérie de l’imagination et symbolisant en lui-même cet univers « inhumain ».
Lovecraft n’attend rien, comme le prouve ses œuvres, de la découverte et du savoir dans la quête de bien-être de ses semblables et ainsi il écrit :
« Nous vivons sur une île placide d’ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel Age de ténèbres. »
Histoire
« Maintenant je suis devenu la mort, le destructeur des mondes », déclara Oppenheimer le 16 juillet 1945 face à détonation de la première arme atomique, dans le désert du Nouveau-Mexique aux Etats-Unis.
Oppenheimer était l’un des principaux physiciens en charge de la conception de l’arme dans le cadre de l’opération Manhattan durant la seconde guerre mondiale. L’arme atomique possède une capacité de destruction bien supérieure à n’importe qu’elle autre bombe du fait de son fonctionnement révolutionnaire : la fission d’atome. Depuis sa création en 1945, la bombe n’a cessé d’être améliorée. Là où celle usée contre Hiroshima en août 1945 avait une puissance de 15 kilotonnes (soit 15 000 tonnes de TNT) les modèles suivants atteignent des proportions apocalyptiques. La plus puissante bombe jamais détonnée et la tristement célèbre Tsar Bomba, testée en 1961 par l’Union Soviétique qui possède une force de 50 mégatonnes soit 50 000 000 de tonnes de TNT ou plus de 3 000 fois la force de la bombe larguée sur Hiroshima. Voyons ensemble comment cette arme cataclysmique s’est répandu sur la surface du globe au cours des dernières décennies et le rôle qu’elle a joué dans la géopolitique internationale.
La première puissance mondiale à avoir essayé de produire cette arme prodigieuse fut le troisième Reich allemand. Le projet Wunderwaffen était un des nombreux projets du Reich visant à révolutionner l’ingénierie – spécifiquement dans le domaine de l’armement – mais fut avorté sur ordre du Führer. En effet, les ingénieurs des premières bombes atomiques craignaient ce qu’ils appelaient une « ignition atmosphérique » à savoir une réaction en chaine qui embraserait tous l’hydrogène de l’air et de la mer, détruisant définitivement toute forme de vie sur Terre. En parallèle, des scientifiques allemands et polonais avaient fuient en France, puis en Angleterre avec leur collègue français à partir de 1940 et de la débâcle des Alliés. En entrant dans la guerre, les Etatsuniens fusionnèrent leur programme nucléaire embryonnaire à celui du Royaume-Uni. En 1943 fut officialisé le projet Manhattan, ultime réalisateur de la bombe. Les Alliés n’avaient alors pas réfléchi outre mesure aux conséquences et à la signification de cette arme pour l’humanité. Deux impératifs s’imposaient : les Allemands étaient soupçonnés d’être sur la même piste – une course qui devait être gagné par l’Ouest –, et la stratégie classique – à savoir tapisser de bombes une ville jusqu’à en faire une plaine – était peu efficace, couteuse en matériel, en personnel, et en temps. L’arme nucléaire devait donner un avantage décisif au premier camp à l’obtenir et pourrait instantanément effectuer le travail de dizaine d’escadrille travaillant sans relâche pendant des jours (L’exemple le plus parlant est sans doute le bombardement de la ville de Dresde en Février 1945. La ville allemande fut attaquée par 1300 bombardiers, larguant 2400 tonnes d’explosif pendant deux jours pour la raser, là où une seule bombe atomique aurait suffi). Les étatsuniens ont bénéficié d’avantages majeurs dans la conception de l’arme. Des scientifiques du monde entier étaient venus collaborer avec eux, jamais la question ontologique ou moral de l’existence de la bombe ne fut abordée de leur côté, les physiciens allemands sous financés ont volontairement retardé le projet nazi – comme nous l’avons appris plus tard – et enfin la Belgique – puissance coloniale riche de son uranium – a accepté de le céder aux Etats-Unis contre une simple faveur : le bombardement atomique de Berlin. L’arme ne fut jamais prête à temps pour être utilisé contre l’Allemagne mais servit à deux reprises contre le Japon en août 1945. Les motivations de ces bombardements sont un sujet de controverses majeurs. L’argument principal, alors comme de nos jours, est le bienfondé d’abrégé la guerre, de prévenir des morts – ne serait-ce qu’américaine – dans l’invasion à venir. Or, nous savons désormais (notamment grâce aux travaux du célèbre « lanceur d’alerte » Daniel Ellsberg) que le Japon envisageait de longue date la reddition. Les ambassadeurs américains avaient reçu dès avant le bombardement nucléaire les conditions de redditions du Japon par l’intermédiaire de l’URSS alors neutre. Ellsberg argumente que Truman – le président américain – ainsi que son entourage ont volontairement refusé les propositions de paix pour utiliser l’arme nucléaire en situation réelle, comme ce fut le cas à Hiroshima le 6 août et à Nagasaki le 9.
En 1945, seul les Etats-Unis possédaient l’arme nucléaire. Celle-ci pouvait encore être envisagé comme une simple arme tactique tel qu’elle fut pensée initialement. Cependant le programme soviétique aboutit à son tour en 1949 (notamment grâce à la capture du projet allemand quatre ans plus tôt). Dans le cadre de la guerre froide chaque pôle arma ses alliés les plus proches et rapidement le nombre et la puissance des armes devint assez grande pour changer radicalement le visage de la guerre qui se profilait. L’objectif n’était plus à ce stade de gagner la guerre, mais plutôt d’empêcher l’autre camp de la gagner. Admettons que le meilleur usage stratégique est une attaque massive visant à faire capituler l’ennemi – par exemple en détruisant ses centres industriels et démographiques – alors celui-ci, face à son imminente destruction pourraient bien libérer à son tour le feu atomique entrainant la destruction des deux camps dans la guerre. « Un jeu étrange, le seul coup décisif est de ne pas jouer » ou plus sobrement la doctrine de la Mutual Assured Destruction ou MAD (destruction mutuellement assistée). C’est dans cette ambiance des plus joyeuses que « l’arme merveilleuse » s’est répandu sur la surface du globe. D’abord s’arment les vainqueurs de la guerre.
Dans un programme nucléaire autonome le Royaume Uni obtient l’arme en 1952, la France en 1960 et la Chine en 1964. Le point culminant de cette prolifération de l’arme nucléaire dans les premières décennies de la Guerre Froide fut la crise des missiles de Cuba. En 1959, la dictature Cubaine fut renversée par la révolution communiste menée par Fidel Castro. L’île située à seulement 200 kilomètres des côtes américaines représente un avantage majeur pour l’URSS. L’objectif du bloc de l’Est est double. Premièrement ramener l’équilibre de la terreur -autre doctrine de la guerre nucléaire, elle repose sur la capacité des belligérants à se menacer l’un l’autre de manière équivalente pour prévenir toute agression. Cet équilibre ayant été bouleversé par l’installation de missiles nucléaires américains en Turquie – et deuxièmement garantir l’indépendance d’un Cuba communiste contre toute invasion étatsunienne. Quand les Etats-Unis apprirent en 1962 l’arrivée futur des missiles à leur porte, le président Kennedy ordonna l’embargo de l’île et lança un ultimatum aux soviétiques. Pendant quelques jours, la flotte russe transportant les missiles nucléaires et la flotte étatsunienne manquèrent d’engager les hostilités et finalement le secrétaire général Krouchtchev renonça à l’installation des missiles de Cuba en échange de la reconnaissance du régime par les Etats-Unis ainsi que le retrait des missiles américains de Turquie.
Avec la fin de la crise des missiles, le monde avait compris l’équilibre illusoire de la destruction mutuellement assistée et des accords furent conclu pour empêcher toute escalade future. Dans cette période dite de « détente » est signé le plus fondamental d’entre eux, le Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires ou TNP en 1968. D’une part, les cinq pays possédant l’arme nucléaire et siégeant au conseil de sécurité de l’ONU (Chine, Etats-Unis, France, URSS et Royaume-Uni) s’engagent à ne pas aider d’autres pays à acquérir l’arme nucléaire, et d’autre part les autres pays s’engagent à ne pas chercher à développer eux même ou à acquérir l’arme. Les seuls pays ne l’ayant pas signé alors étaient l’Inde – possédant l’arme nucléaire depuis 1974 par un programme autonome – le Pakistan – possédant l’arme nucléaire depuis 1987 en réponse au programme nucléaire de son ennemi Indien – et Israël – ayant procédé à un programme nucléaire militaire secret et soupçonnée de posséder l’arme depuis les années 1960 –. A sa suite ont été signés de nombreux traités à l’origine de « Zones Exemptes d’Armes Nucléaires ». C’est en principe le cas de l’Amérique Latine depuis 1967, du Pacifique Sud depuis 1986, de l’Asie du Sud-Est depuis 1997, de l’Afrique et de l’Asie Centrale depuis 2009.
Dans notre monde post Guerre Froide, l’arme nucléaire connait un regain d’intérêt pour deux raisons.
Tout d’abord, les accords et les stratégies de la Guerre Froide ne sont plus valides ou sont contournés. Certains des accords sont arrivés à expiration et n’ont pas été renouvelés entre les deux anciennes puissances et les plus importants d’entre eux ne concernent pas les nouvelles puissances nucléaires (Chine, Corée du Nord, Inde, Iran, Israël, Pakistan). D’autre part, l’incident Nord-Coréen a redonné un coup de frayeur à la planète (ou plus précisément, aux Coréens eux-mêmes, et aux étasuniens du pacifique) bien qu’il se soit résolu sans complications. Plus récemment c’est l’accord conclu avec l’Iran sous la présidence Obama et qui incluait l’arrêt du programme nucléaire iranien qui a été rompu par le président Trump. Plus inquiétant encore, des armes nucléaires miniaturisées ont été produites durant le mandat d’Obama.
D’autre part, les Etats-Unis joue depuis 1991 un rôle de puissance incontestée et depuis les années 2000 du rôle moindre de première puissance mondiale. De nombreux pays ont sombré face au courroux de Washington. L’Irak d’abord en 1991, la Yougoslavie en 1999, l’Afghanistan en 2001, l’Irak une seconde fois en 2003, la Libye en 2008, la Syrie a elle-même faillit rejoindre la liste des victimes… En somme, tout pays qui n’entre pas dans l’ordre mondial est susceptible d’être ramené à l’ordre par la force. Or le seul moyen de garantir une souveraineté militaire – comme conçu par certain géopolitologue – est la possession de l’arme nucléaire, empêchant toute victoire par la stratégie de destruction mutuellement assistée. Pour de nombreux experts cela serait la raison des tentatives d’armement Nord-Coréenne et Iranienne de ces dernières années. L’avenir de l’arme nucléaire est aujourd’hui des plus incertains alors que les tensions sont plus fortes que jamais.
Philosophie
La philosophie apparaît négativement à beaucoup d’entre nous comme un discours stérile, voir inutile. Il est vrai que la pédagogie a une énorme part de responsabilité dans ce sentiment, mais la complexité et surtout l’étrangeté – au sens le plus radical, à savoir la différence avec les sujets quotidiens de réflexion – des différentes thèses et des multiples systèmes en font effectivement un sujet des plus ardus à aborder et à maîtriser. Certains philosophes ont essayé cependant de créer un système, un modèle unificateur pour rassembler, voir dépasser les questions et réflexions qui leurs étaient contemporaines en en tirant des conclusions. Aristote et Thomas d’Aquin sont deux de ces grands penseurs, mais nous attarderons notre réflexion sur un troisième : Hegel.
Hegel est un philosophe allemand ayant vécu au tournant du XVIIIème, XIXème siècle. Il est notamment connu pour sa dialectique du maître et de l’esclave. La dialectique revêt plusieurs sens en philosophie. Ce mot vient du grec dialektikê discuter, échanger, argumenter. En philosophe cela revient, de Platon à Marx et au-delà à résoudre les conflits, les contradictions, les oppositions par la confrontation. Ou plutôt, au fur et à mesure que le courant va se développer, de concevoir le monde comme fonctionnant par la contradiction, l’opposition des forces (on peut y opposer la vision harmonieuse, équilibrée du monde, bien qu’au fond les adeptes de la dialectique conçoivent souvent un équilibre général qui est de la résolution des paradoxes et des oppositions).
Dans sa vision dialectique, Hegel conçoit que le changement est d’un rôle majeur dans la nature et il lui accorde trois caractéristiques. Tout d’abord la négation. Quand un objet en devient un autre – disons la chenille qui devient papillon – le premier cesse d’exister en soi. Cependant il y a une conservation, le papillon ne vient pas du néant mais de la chenille qui le prédate. Par les gênes, les souvenirs, la chenille est conservée. Enfin il y a un dépassement, le nouvel objet est l’aboutissement, la suite de l’ancien. En quelque sorte, le papillon est une chenille dépassée, qui a évolué jusqu’à devoir cesser d’exister (c’est-à-dire que l’objet ne peut pas être conçu de manière analytique, en soi, mais comme une transition).
Parallèlement il conçoit que l’opposition est un aspect majeur de la nature, et même nécessaire. Les opposés ne sont pas séparés mais en confrontation perpétuelle, d’où sa citation « on ne se pose qu’en s’opposant » ce qui revient à dire que l’on se définit principalement sinon seulement en négation. Être soi se définit par ce que l’on n’est pas ou ce que l’on n’est plus. La délimitation, la bordure d’un soit peut être par exemple l’existence de l’autre, qui n’est pas soi. Ce fonctionnement par contraire, par négation est d’ailleurs la source du changement dans la pensée hégélienne. Sans contradiction il ne peut y avoir d’évolution, d’avancée, tout serait statique. Ainsi, on ne se reconnait soi que parce que l’on reconnait les autres comme n’étant pas soi. Mais Hegel va encore plus loin, et détermine même que l’on se conçoit en tant que soi parce que les autres nous conçoivent comme tel, comme un autre soi qui n’est pas le leur.
Son modèle pour expliquer cette thèse est connu comme la dialectique du maître et de l’esclave. Hegel imagine comme forme primitive de société la rencontre de deux consciences, de deux personnes. Chacune veut être reconnue par l’autre en tant que telle – désir que Hegel attribue à l’humain comme lui étant propre et le distinguant du reste des animaux – ce qui entraine nécessairement un conflit avec un perdant et un gagnant. Hegel conçoit en effet qu’obligatoirement une des parties du conflit préféra se soumettre à l’autre que de tout perdre. Le gagnant neutralise d’une certaine manière son concurrent en ne lui reconnaissant pas pleinement une conscience comme il se la fait reconnaitre par le perdant. Il y a un lien de soumission du perdant au gagnant, de l’esclave au maître.
La relation est dans une première phase, avec un maître qui est reconnu en tant que conscience – disons en tant que personne – par son esclave, tandis que l’esclave n’est reconnu par personne et travaille pour le maître.
Dans une seconde phase, sans être reconnu, l’esclave se rend maître de sa vie par son travaille, il maitrise son moyen de subsistance, tandis que le maître, reconnu comme une conscience, dépend du labeur de l’esclave. Le rapport de force s’inverse, le maître est soumis de fait à l’esclave.
Dans une troisième et dernière phrase, le maître et l’esclave réalise que cette relation de domination n’est pas enviable. Le premier n’est maître que par convention et non par les faits car il ne maîtrise pas son moyen de subsistance, et l’autre n’est pas reconnu en tant que conscience. L’issue est un traitement égalitaire, chacun reconnait l’autre et ils travaillent de concert, en coopération.
Cette conception révolutionnaire de la dialectique a eu un impact majeur en philosophie. Tout d’abord, elle a grandement influencé la pensée de Marx avec sa dialectique matérialiste et sa lutte des classes mais aussi Sartre, Merleau-Ponty et même les scientifiques contemporains dans la résolution de situations paradoxales. La dialectique offre ainsi une vision originale du monde qui permet en soit de trancher de très nombreux débats.
Kilian Cochet