Les élections UFR

 

Depuis déjà quelques semaines, notre faculté est empreinte d’une atmosphère étrange. Le sol, encore souillé des larmes de ses étudiants, voit s’ajouter un smog nouveau : celui des élections.

Le commun des mortels cherche à recouvrer ce qui lui reste de dignité en consultant ses copies de partiel avec le secret espoir qu’une erreur administrative se soit glissée dans leur relevé de notes.

Pourtant, au sortir de cette torpeur post-apocalyptique, le ravage laisse la lumière à un groupe d’étudiants étrange, bien plus actif qu’à l’accoutumée, leur nom : les candidats aux élections UFR, leur race : non identifiée, premier symptôme : ils appliquent des bannières immondes à leurs profils facebook.

Pour vous, la Pravda a mené l’enquête, se frayant un chemin par-delà les légions de tractages, les invectives de vote et la prostitution électorale.

La première question qui nous vient est celle de l’utilité de ce phénomène : question aussi vite évacuée tant le constat de la vacuité de ces entreprises est flagrant.

En théorie, ces élus représentants de filières ont pour sacro-sainte mission d’incarner la voix de leurs électeurs au sein des organes consultatifs de l’université. Fort de leur mandat acquis par la force des baïonnettes, ils défendront vaillamment nos intérêts, nos craintes, nos espoirs face à une administration digne des plus grands régimes autoritaires. Voilà pour la fiction.

La réalité est relativement différente, nos étudiants avides de démocraties vendent pères et mères pour les voix du peuple. La raison profonde ? Obtenir un mandat qui les obligera à s’assoir sur une chaise pendant deux ans dans un conseil d’administration obscur espérant ainsi assoir leur fainéant séant sur une chaise différente, celle d’un M2 convenable que leurs résultats médiocres peineront à atteindre. Enfin ils l’espèrent.

Mais soyons clair, pour atteindre ce sacré graal la route sera longue. Il faut mener campagne. Non seulement face à la concurrence : Corpo, Assas.net, Alliance, Cocarde, UNI, UPR, Egalité réconciliation, la jeunesse mao-marxiste-guevariste-leniniste oppressée prolétaire du front de gauche socialiste des enfants kurdes etc etc.

Mais aussi face à son propre camp : les places en tête sont chères car plus rassurantes, la bataille est rude, les coups sont portés et beaucoup ne survivront pas à cette étape. Telle une fratrie d’oiseaux, le plus faible sous-fifre sera évacué par Lucas, L2 Droit en rattrapages, costume bleu, chemise blanche sans cravates. C’est la loi de la corporate jungle.

Si nous suivons Lucas que nous continuerons d’appeler ainsi tant son prénom incarne la personnalité fade et générique qu’il aura mission d’incarner. Lucas sera obligé pour commencer de modifier sa photo de profil au profit d’un filtre des plus chatoyants laissant ses amis du lycée aujourd’hui en bac pro parce que « le pratique ça leur convenait mieux », dans l’incompréhension.

« Ça y est tu vas devenir président de la république Lucas ?

– Pas encore Jacquouille, maintenant les UFR, demain la France, bientôt le monde. »

Mais avant le monde, il faut aussi renoncer à tout amour propre, éthique personnelle, confiance en soi, valeurs humaines pour réaliser une vidéo de présentation de sa personne et de son programme. Au-delà de l’éternel plan dans le jardin du Luxembourg et des sous-titres truffés de fautes d’orthographes (coucou l’Alliance), c’est avant tout l’occasion de voir la détresse du monde se refléter dans les yeux de ces étudiants hagards, arrachés à leurs repères, pensant être acteurs de leur vie universitaire.

Ayant laissé derrière eux amis, maris, femmes et enfants, ils n’hésiteront plus à se vendre pour vos voix. Ils ont une semaine d’activité associative dans l’année, mais quelle intensité ! Quelle fougue ! On ne voit qu’eux, tracts à la main, la mâchoire baveuse et les yeux injectés de sang, ils ont faim, et n’auront aucun mal à vous faire un café pour un bulletin.

A côté les législatives en Lozère c’est une élection de délégué de classe. Notre Université se félicitera d’être le terreau de brillants fiscalistes mais surtout des futurs miasmes de notre société, assistants parlementaires et autres machines à café ambulantes qui voudront le rester aussi longtemps que la méritocratie illuminera notre chère République.

Comme pour se préparer aux déconfitures de la politique française, l’enseignement public vous rappelle que le problème c’est rarement le régime, mais surtout les hommes.

Ceci étant dit, le journalisme ne s’arrête pas là et c’est dans une infinie mansuétude que je vous communique les principes fondamentaux pour survivre le jour des élections :

Règle numéro 1 : Ne venez pas

Règle numéro 2 : Non vraiment ne venez pas

Règle numéro 3 : Si vous ne pouvez pas respecter les deux règles précédentes parce que vous avez déjà séché deux séances sur trois de TD dans votre existence misérable, alors protégez-vous, en suivant les règles suivantes…

Règle numéro 4 : Pour échapper aux zombies du tractage, faites-vous passez pour un étudiant d’Assas patriote, effet garanti.

Règle numéro 5 : Face à un étudiant d’Assas patriote, faites le mort immobile sur le sol, sa vision est basée sur le mouvement et il sent la peur.

Règle numéro 6 : Si vous êtes emmené de force jusqu’aux urnes, faites un blocage devant celles-ci pour l’avènement de la révolution prolétarienne.

En vous souhaitant bon courage et de belles études républicaines.

 

AP

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