Pour se réconcilier avec les rires préenregistrés

Il est de notoriété publique que la discrimination est le lot quotidien de tout un chacun aujourd’hui. L’étudiant assassien n’y est que trop familier : l’info-com qui étudie des sous-matières parce qu’il n’a pas à rester en BU jusque 21h, le malheureux publiciste dont le TD est constitué de cartes de géographie niveau cinquième ou encore l’éco-g qui a le temps de tenir le stand de crêpes de l’UGES dans le hall pourront longuement vous en parler. Toutefois, la pire forme de discrimination qui puisse exister au sein de ses pairs est probablement celle due aux références culturelles, et notamment à « LA » référence filmographique : Friends.

Alors, si vous êtes ce fameux méprisé, pris de haut sous prétexte qu’il n’a pas vu Friends, qu’il « n’a aucune culture », qu’il « a raté sa vie » (oui, tout cela sonne familier, je sais, j’en suis désolée), cet article est fait pour vous. Aux dires de vos amis, Friends a tout de la série culte et hilarante que l’on peut regarder en toutes conditions, du samedi après-midi pluvieux sous sa couette aux fins de soirée à 3h du matin, un joint à la main. Mais voilà, l’obstacle au visionnage de Friends réside dans l’une de ses caractéristiques principales : le rire préenregistré. Vous vous sentez contraint à rire, vos épaules se tendent, votre mâchoire se crispe et lorsque Netflix vous annonce le « Prochain épisode dans 5 secondes », vous fermez l’onglet dans un spasme.

Vous souhaitez vous réconcilier avec les rires préenregistrés ? Enfin comprendre les références de vos groupes d’amis et ne pas passer pour un enfant des années 2000 ? Il se pourrait que j’ai la solution à votre problème : Fam.

Cette comédie, fraîchement débarquée, dont le premier épisode est sorti aux Etats-Unis le 10 janvier 2019, reprend les codes de la sitcom ; contrairement aux séries-comédies sorties ces dernières années à l’instar de New Girl. Clem et Nick, récemment fiancés, se retrouvent contraints d’accueillir chez eux Shannon, petite sœur de Clem en pleine crise d’adolescence. Même si cette trame au premier abord banale ne fait pas nécessairement envie, dès le premier épisode, on se retrouve à sourire un peu bêtement devant son écran.

Pourtant, la série partait sur des bases relativement fragiles : son protagoniste central, Clem, porte un prénom tristement célèbre pour tout Français ayant rapidement regardé TF1 un soir de semaine. La sitcom a beau être de meilleure qualité que la série française, il est très dur d’entendre Nick, le fiancé de Clem, appeler la jeune femme par son prénom dans chaque épisode de la série. L’autre problème délicat se pose en termes de crédibilité : l’actrice Nina Dobrev a été choisie afin de jouer Clem. Or, celle-ci est encore aujourd’hui synonyme de Vampire Diaries, série pour adolescentes des années 2010 : malgré de nombreuses qualités, on peut comprendre que concernant une série légèrement plus adulte et moins dramatique, la numéro 1 du cast entraîne quelques incertitudes.

Toutefois, dans les neuf épisodes sortis à ce jour, pas une seule fois on ne voit Dobrev retomber dans les tics d’Elena Gilbert, son ancien personnage. Les scénaristes de la sitcom ont su adopter le ton léger et humoristique requis, les acteurs castés sont capables de jouer sur les pauses et les silences et miracle, de réconcilier tout spectateur avec les rires préenregistrés. Les remarques humoristiques couvrent un large panel de sujets sans jamais être trop lourdes ou simplement de trop et l’on se retrouve à rire presque systématiquement au moment prévu. Pour une série encore peu connue aux Etats-Unis, au démarrage timide, Fam surprend et offre d’agréables moments de détente – garantis sans crispation de la mâchoire et rires forcés.

Alors, petit conseil : si vous avez toujours refusé de regarder Friends, How I Met Your Mother ou d’autres séries iconiques des années 1990 et 2000 à cause de ces fameux rires préenregistrés, faîtes un petit tour du côté de Fam et retentez votre chance après coup. Vous verrez que votre allergie à cette caractéristique indissociable des sitcoms se sera transformée en intolérance occasionnelle et que bientôt, vous aussi pourrez faire partie de ces individus insupportables qui s’exclament « QUOI ? Tu n’as jamais regardé Friends ? ».

De rien.

Juliette Devillers

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