Rencontre avec Patrick Morvan

Monsieur le professeur, merci d’avoir accepté cette rencontre. Pourriez-vous nous expliquer quel rôle vous occupez au sein de l’université?

Cela fait quatre ans maintenant, que je donne des cours en première année avec un positionnement très classique. Précédemment j’enseignais en M1, en droit de la protection sociale et ce durant de nombreuses années. Puis, comme beaucoup de professeurs, je donne aussi des cours dans différents Masters 2, à l’heure où je vous parle je codirige un Master 2 de criminologie, une matière totalement différente, et qui n’est d’ailleurs pas juridique. Auparavant, j’enseignais dans un Master 2 de recherche du droit social où j’enseignais le droit à la protection sociale. Mon positionnement est le suivant, j’enseigne des matières que personne d’autre n’enseigne à l’université, le droit de la protection sociale, et la criminologie.

Dites-nous en plus sur votre parcours.

J’ai fait toutes mes études à Paris 2. Tout d’abord, j’ai fait ce que l’on appelait avant un DEA, aujourd’hui, Master 2 recherche. Ensuite, j’ai fait une thèse pendant quatre ans sous la direction du professeur que j’avais en introduction au droit. Après le cursus classique qui m’a conduit à devenir professeur, j’ai été un an maître de conférences à Paris 2. La même année, j’ai passé l’agrégation de droit privé et que j’ai eu en 1999. Après l’agrégation, il faut choisir une faculté de droit en France. Je voulais quitter Paris, j’ai, alors, choisi Rennes où j’ai été professeur de droit pendant quatre ans ; et après ces quatre années, j’ai candidaté sur un poste à Paris 2. Le recrutement se réalise par voie d’élection un peu comme à l’académie française. J’ai été élu à l’université Paris 2 en 2003 et depuis je suis ici, là où tout a commencé.

Quel genre d’étudiant étiez-vous ?

J’ai voulu faire du droit parce que j’avais un projet extrêmement précis, je voulais être magistrat et ce depuis la 5ème. C’est d’ailleurs très motivant, de savoir ce que l’on veut faire. Cependant, j’ai eu un peu de mal en première année et ça a été la panique parce que j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter à la méthode du commentaire d’arrêt. C’est peut-être pour ça que je n’aime pas ça. Au premier semestre, j’ai eu de très mauvaises notes et heureusement à l’époque, les matières n’étaient pas “semestrialisées” ; j’ai donc eu six mois pour me remettre sur pied. En deuxième année, j’étais un bon étudiant et ce malgré une énorme taule en droit des obligations. Et puis en troisième et quatrième année, j’ai eu de très bons résultats surtout parce que j’étais content d’en finir avec ces premières années qui sont principalement du bachotage.

D’ailleurs pendant la troisième année, je suis allé faire l’Institut de criminologie pour m’aérer, j’y recevais des enseignements de praticiens,  de psychiatres, policiers, médecins légistes et c’était formidable. Je crois que c’est ça qui m’a donné envie de mieux travailler mon droit parce que je m’étais fait plaisir en préparant un autre diplôme en parallèle. Enfin, en cinquième année, c’était une libération puisque le DEA est réellement spécialisé, le bachotage n’est plus la priorité et on fait plus de réflexion, d’échange et de recherche. Quand j’ai compris que je pouvais rester à l’université toute ma vie en sollicitant un contrat doctoral, j’ai accompli mon rêve de rester étudiant.

Comment abordez-vous votre métier de professeur ?

Tout dépend de l’année, la première année est très particulière parce que d’une manière générale il s’agit de transmettre du savoir dans un domaine assez large. Cependant, dans toutes les années, la priorité est de donner le goût de la matière ainsi que l’envie aux étudiants de continuer dans leurs cursus et de les rassurer dans leurs choix d’études. Par exemple, en Master 2, lorsque j’assurais le cours de droit à la protection sociale, mon objectif était de donner aux étudiants l’envie de continuer le droit de la protection sociale.

Et de l’autre côté quand je suis devant des étudiants de première année, j’essaie de leur transmettre du savoir mais surtout de leur donner envie de faire du droit. La pédagogie implique de traiter un programme correctement et au delà de donner aux étudiants le plaisir de faire du droit. Mais cela ne représente qu’un cinquième de notre activité car le reste du temps, je suis enfermé derrière un bureau à lire et à écrire. J’ai l’impression comme les étudiants de première année de continuer à étudier et à découvrir. Je ne fais pas de recherche, la recherche juridique n’existe pas ça n’a pas de sens, je cherche simplement.

Quelle lecture recommanderiez vous à un étudiant de 20 ans?

Déjà je lui conseillerai de lire. Alors pas comme disent les instituteurs et les institutrices à l’école primaire. Ici, l’objectif c’est d’acquérir une certaine culture, je leur dirai de lire ce qui les passionne. Alors évidemment de la littérature, de l’histoire mais aussi des sujets sérieux dans l’entourage du droit. Il faut lire des sciences humaines c’est-à-dire exactement ce que les étudiants en droit ne lisent jamais. Pour ne pas avoir des carences énormes en culture générale, je leur conseille de lire des ouvrages qui leur plaisent dans les sciences humaines.

Je suis d’ailleurs le bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire, je ne voulais faire que du droit et j’étais allergique aux autres enseignements comme les sciences économique que je détestais. En fait, ce que je voulais c’était faire du droit pur. C’est pour cette raison que je me suis ouvert en troisième année en élargissant mon champ de compétences avec la criminologie. Et c’est ce qui m’a convaincu, quinze ans plus tard de me remettre à la criminologie. C’est grâce à cela que je me suis ouvert aux sciences humaines et c’est maintenant que j’ai l’impression de développer ma culture générale.

Pour conclure, quel conseil adresseriez-vous aux étudiants ?

Je n’ai fait que leur donner des conseils dès le premier cours. Donc je vais répéter les conseils absolument essentiels qui sont: assister aux cours, être très régulier dans la relecture et aussi un conseil très inhabituel que je suis peut-être le seul à donner, c’est de lire une revue juridique dès la première année, même si les articles peuvent traiter de sujets hors programme. C’est une lecture qui va permettre d’enrichir ses connaissances. Lire une revue juridique c’est comme pratiquer une langue étrangère que l’on est en train d’apprendre.

 

        Propos recueillis par Adrien Bournazeau

 

Nous remercions Monsieur Morvan pour cet entretien et le temps qu’il a bien voulu nous accorder.

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