La Rubrique Sexo #1 : « J’ai appelé mon sexe Maximator »

« L’Ecrivain Honoré de Balzac surnommait son pénis Bengali, un petit oiseau rouge de 10cm originaire d’Asie du Sud-Est »

Il y a de ces sujets qui naturellement ne frappent pas tous les esprits, des sujets qui laisseront en deuil des milliers de conversations stériles animées de verbes arides.

Il y a des contrées de la connaissance qui resteront vierges de toute curiosité humaine, souvent car la curiosité humaine s’en fout.

Enfin presque.

Déjà petit et dégénéré votre humble serviteur se posait une question. Qui sont ces gens qui nomment une partie de leur corps (souvent génitale) ? Pourquoi ressentent-ils le besoin d’accorder un patronyme à leur fessier ? Qui sont-ils ? Quels sont leurs réseaux ?

Cet article se propose de répondre aux interrogations qui sont dorénavant les vôtres en se basant sur un brillant sondage effectué auprès de milliers de volontaires anonymes. Dans une approche sociologique sérieuse nous tenterons de cerner l’essence de cette pratique qui nous révèle tant sur la complexité de l’espèce humaine.

Vous avez été autant d’hommes que de femmes à participer à ce sondage, et nous permettez de lever l’omerta. Plus de 40% d’entre vous (autant d’hommes que de femmes) ont déjà nommé une partie de leur corps et la moitié continue de le faire. Parmi ces patronymes on retrouve 50% de prénoms communs, mais aussi des surnoms attribués dans une démarche assez humoristique : un personnage célèbre de l’Histoire, une célébrité ou encore un engin agricole de plus de 10 tonnes.

De cette pluralité de prénoms ressort également une variété d’intimités, pour un quart d’entre vous c’est un secret de Polichinelle : connu par toutes personnes ayant partagé une bière à vos côtés. Pour un autre quart ce lien se resserre au cercle restreint d’amis. Enfin, le reste garde l’identité du Bengali secrète.

On s’aperçoit qu’au-delà de la blague, cette pratique est teintée d’une profonde introspection, si dans l’extrême majorité la partie ciblée est un organe sexuel ou du moins sexualisé, il n’en demeure pas moins que le point commun reste cette intimité du rapport au corps.

Finalement le phénomène qu’on pourrait tous avoir en tête, c’est-à-dire l’épisode beauf par excellence : attroupement d’humanoïdes alcoolisés, Kawasaki KX60, odeur latente d’Axe Saveur cookie, tickets piétinés par le désespoir du PMU, grinder babylone. Vous voyez le tableau se dresser autant que les hormones et venir l’explosion grasse de sobriquets des sexes pré pubères respectifs : « Le gourdin algérien », « l’anaconda », « Patator », « Branlix 2000 », « Alexandre le grand conquérant des steppes ».

Certes ce phénomène existe mais il reste épisodique et  laisse bien vite place à un sens plus intéressant qu’on peut, selon vos témoignages, distinguer en deux grandes philosophies :

Le besoin d’extérioriser son corps d’abord. Nommer quelque chose c’est lui donner une certaine personnalité, le rendre unique. « Je serai pour toi unique au monde, tu seras pour moi unique au monde … ma bite ». C’est un moyen de se détacher de cette partie souvent à l’origine de complexes. Votre sexe, car c’est le plus nommé, devient responsable de lui-même, c’est un compagnon de voyage sur les flots mouvementés de la vie, un ami un peu collant qui se trouvera fourré dans les mêmes affaires que vous.

Le revers de la médaille de cette pratique, c’est la fausse indépendance de cette partie de votre corps qui pourrait en découler. Critiquer Archibald ce n’est plus me critiquer « moi » en tant que personne. C’est le besoin naturel de se « dédouaner » de ce qu’on ne contrôle plus, de nos hontes vis-à-vis de ses performances, de son aspect, en tout cas du regard qu’on lui porte. En exemple, Francis, le nom d’un fessier. D’abord désavoué, mal-aimé par son propriétaire, il fut appelé de ce doux prénom comme pour créer une distance sous le couvert de l’humour. Ce corps devient étranger, nous permettant de poser sur lui un regard moins coupable.

Mais de ce prénom est né un nouveau rapport, celui de l’acceptation.

La seconde phase de ce phénomène, que nous appellerons sobrement la personnification génitale, semble en être l’aboutissement. A l’instar d’une socialisation, d’une amitié naissante, on apprend à apprécier cet étranger. Pour revenir sur Francis, enfin sur l’exemple de Francis, cette nomination a été le départ d’une considération, d’un entretien, d’une sympathie. Francis est devenu un ami dont on est fier parce que nous nous sommes occupés de lui. Cette partie a gagné de l’importance dès l’instant où elle a été personnifiée.

Nous pourrions comparer cela à l’histoire d’amour entre vous et Cunégonde/Philibert. D’abord, le bruit, l’odeur, le dégout de l’inconnu, installent un rejet empli de malaise. Puis, un beau jour, un contact fortuit permit de poser un nom sur l’horreur. Par la suite les deux âmes se rendirent compte qu’elles étaient la Cunégonde/le Philibert de l’autre, et ils vécurent heureux, parents de futurs rédacteurs d’articles obscures de la Pravd’Assas.

A contre-courant de vos impressions sur cette pratique, les différents témoignages révèlent dans la majorité une démarche affective vouée à dédramatiser, nommer plus facilement ce qu’on pourrait penser comme tabou. Par l’apparence de dérision ce fut pour vous un véritable cri du « corps » ; tantôt une fierté pour ceux qui se sont apprivoisés leurs corps, tantôt une carapace pour ceux qui cherchent à s’en détacher.

Ainsi mesdames et messieurs lecteurs courageux, nommer son corps n’est pas une pratique de quelques individus esseulés, « beaufs », décalés, parias, mais une véritable voie parmi tant d’autres dans l’acceptation de cette enveloppe charnelle attribuée de force à son hôte.

Cette voie dénote le plus souvent un malaise, un complexe : le « Brakmar » n’a pas tant mené de guerre que ça, Michel et Francis sont finalement en manque de compagnie, le gourdin algérien aimerait voyager un peu plus.

Dans notre société du jugement à travers des vitres, le corps est exposé en ligne de front à cette violence du regard, à l’approbation du public noyé dans l’image de perfection que lui vend la publicité, le cinéma, la mode. Il est sans cesse sous le joug de l’approbation cruelle de l’autre, jour après jour. Vous êtes l’exposant permanent de l’œuvre d’une vie, un vernissage sans fin mais sans petits fours.

Alors on peut comprendre que ce combat soit plus facile à mener accompagné. Nommez-vous, faites de votre corps un compagnon de voyage, votre ami inséparable, faites-lui confiance et il plaira, à vous d’abord, aux autres ensuite.

 

Augustin Pertet

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