Back side, l’exposition à laquelle on ne peut pas tourner le dos

Qui n’a pas en tête la robe si bien portée par Mireille Darc dans «Le grand blond avec une chaussure noire?» ? Qui n’a jamais vu la beauté de ce dos effeuillé dont la cambrure n’est là que pour mettre en exergue le balancement suave de la démarche un rien aguicheuse de la belle actrice?

Cette robe signée Guy Laroche habille l’entrée de l’exposition actuellement en cours au musée Bourdelle, «back side, dos à la mode». Puisant dans la riche collection de Galliera, la galerie mêle les temporalités, la diversité de supports et la palette d’artistes/couturiers pour nous peindre une représentation féminine à travers le dos dans l’habillement.

Au delà des jeunes Christina qui se ruent devant les mannequins dorés pour alimenter leurs profils Instagram, le visiteur à l’œil vif et attentif remarquera que cette exposition de mode va bien plus loin. En illuminant une partie du corps particulièrement significative, Alexandre Samson, le responsable des collections contemporaines du Palais Galliera propose d’interroger plus profondément le sens de ces tenues. La traîne de la robe de mariée, porteuse de sacralité et d’un certain isolement (la mariée avance seule jusqu’à l’autel) s’inscrit dans l’affiliation plus ancienne de celle d’une reine toute puissante dont la longueur de l’habit ne révélait que le pouvoir écrasant (la traîne étant un symbole d’autorité et de pouvoir, elle pouvait aller jusqu’à 14 mètres et nécessitait parfois plus d’une dizaine de valets pour la soutenir). Aussi, il est intéressant de noter à quel point la perception d’un même vêtement peut revêtir plusieurs interprétations dans l’imaginaire collectif d’une société. La dominatrice à la traîne de fleur de lys dorée laissant place à la blancheur de la traîne en dentelle d’une femme prête à s’adonner docilement à un rite sacré.

Des camisoles de force aux corsets dont l’usage vouait les femmes à la dépendance de mains habiles pour le dénouer, le dos peut parfois être le «fashion» symbole d’un emprisonnement physique ou sociétal.

Il est amusant d’observer à quel point le vêtement parle de lui-même; jouant parfois avec la surprise du spectateur, qui, voyant le sage col montant d’une robe chaste noire aux manches boutonnées ne peut s’attendre à surprendre un décolleté plongeant dont l’échancrure descend jusqu’au séant. Attendez-vous à rester stupéfaits face à des pièces élégamment indécentes tel Pierre Richard devant la chaîne d’or pendante au dos de la belle Mireille.

Variété d’une exposition mêlant photographies, vidéos de danse contemporaine, et sculptures issues de l’exposition permanente du musée Bourdelle à l’art de la haute couture. Originalité d’une exposition intemporelle passant d’un faux-cul au tout premier sac à dos Prada et n’hésitant pas à confronter non sans provocation le dos d’un uniforme de police au string emblématique de Gucci. Richesse d’une exposition dévoilant la profondeur culturelle et morale d’un univers réputé comme superficiel. Modernité d’une exposition qui ancre l’évolution des significations de ces «dos en mode» dans des problématiques plus qu’actuelles; en reposant par ailleurs la question de la perception et la place de la femme dans le monde de la mode et plus largement dans la société.

A découvrir jusqu’au 17 novembre 2019 au Musée Bourdelle

 

Lucie Housset

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