S.T : Désillusions d’un expatrié français à Londres
Les traits tirés, c’est toutefois sur un ton apaisé que S., étudiant de dix-neuf ans en deuxième année de licence d’anglais à l’université de Strasbourg revient sur son année passée au King’s College de Londres en relations internationales.
Originaire de Châlons-en-Champagne, après une école primaire et un collège situés en Zone d’Éducation Prioritaire, le jeune homme intègre la section internationale anglais du lycée Marc Chagall, à Reims. Ressentant un besoin de faire ses preuves, il décide de postuler au prestigieux King’s College. Les frais d’inscription et le niveau de vie londonien, sources d’hésitation au départ, sont compensés par le cadre de l’université, un emploi du temps léger permettant beaucoup de recherches personnelles et ce qu’il qualifie de « intellectual bubble ».
La déconstruction du mythe de l’excellence britannique
King’s a beau faire partie des cinquante meilleures universités au monde, S. est vite désenchanté par le mode d’enseignement – « enfin, pas un enseignement puisque tu fais tout tout seul ». En effet, les huit heures de cours correspondent à huit cours de cinquante minutes basés sur un PowerPoint, qui doivent nécessairement être accompagnés par des lectures dites complémentaires de plusieurs centaines de pages par matière et par semaine.
« Compliqué de trouver sa place »
Le jeune homme explique la solitude qui en découle : « On a beaucoup de travail perso, on est très seul ». La vie sociale tourne principalement autour des sorties hors de prix en boîte et de la « drinking culture » britannique, ce qui l’amène à dire qu’il est « plus compliqué de trouver sa place » dans ce cadre universitaire. D’autant que cela entraîne un dilemme entre travail personnel et vie sociale, or, pour cet étudiant issu d’un milieu modeste, « dix mille euros l’année, on ne peut pas se permettre de rater ».
La solitude, le niveau d’exigence, la quantité de travail personnel et le coût élevé de la vie londonienne engendrent tant de stress que S. choisit en septembre 2019 de quitter King’s College. « Je volais, je me rapprochais du zénith, mais je sentais mentalement et physiquement que mes ailes étaient sur le point de lâcher » explique-t-il en reprenant le mythe de Dédale et Icare. Une année riche en désillusions et déceptions, qui lui aura cependant permis de reprendre des études de littérature anglaise et d’envisager l’enseignement comme débouché professionnel afin de transmettre sa passion.
Juliette DEVILLERS