Cette année encore, je me retrouve seul pour la Saint Valentin. Si je suis bien heureux d’éviter cette célébration païenne, matérialiste et artificielle, force est aussi d’admettre que ma solitude me pèsera doublement ce vendredi. C’était sans compter les championnats du monde de biathlon, qui se tiendront du 12 au 23 février à Antholz-Anterselva (Italie).
Cruellement ignoré ou sous-apprécié, le biathlon mérite sa place au panthéon des sports d’hiver. Cupidon dans l’air, le moment me semble opportun pour déclarer ma flamme envers celle qui réchauffe mon cœur chaque année, de novembre à mars.
Mon histoire d’amour avec le biathlon remonte à la saison 2003/2004. J’ai 6 ans, quelques dents en moins, une montre avec un écureuil sur le cadran au poignet gauche, un bonnet bleu, un gros pompon rouge et mon amoureuse s’appelle Léa. J’habite alors dans le Doubs et lorsque les premiers flocons font leur apparition, c’est tous les weekends que je me précipite sur les pistes. Une fois les skis déchaussés, je joue avec une boite de legos devant l’imposante télévision cathodique du salon.
Celle-ci avait la particularité de mettre un certain temps à s’allumer. La manipulation était particulièrement délicate : il fallait appuyer et maintenir le bouton « POWER » de la télécommande tout en la positionnant dans un certain angle par rapport à l’écran. Il fallait souvent répéter cette opération pendant de longues minutes jusqu’au « ZIIING » salvateur et que les premières images apparaissent. La télévision restait donc éteinte la plupart du temps, sauf lorsqu’une course de biathlon était diffusée en clair sur la 2.
A l’époque, l’immense Raphaël Poirée se bat chaque weekend contre le monstre norvégien Ole Einard Bjørndalen. Le duel est terrible mais c’est bien le français, devant mes yeux d’enfants, qui l’emporte cette année-là. Les années passent, les sportifs aussi. A Poirée succède Defrasne. A Bjørndalen succède Svendsen. A Defrasne, les frères Fourcade. A Svendsen, les frères Boe. Si occasionnellement, allemands et russes viennent jouer les troubles fêtes, la bataille pour l’or est une affaire essentiellement franco-norvégienne. Les mêmes protagonistes se disputent les podiums féminins où la compétition, par sa densité et ses incroyables championnes, n’a rien à envier au sexe opposé.
Les années passent et je grandis, mes dents repoussent, ma montre devient trop petite, mon bonnet aussi, j’abandonne Léa et le Jura, mais je demeure devant le poste. Avec une assiduité variable, je continue d’encourager ces hommes et femmes qui s’élancent chaque semaine, carabine sur le dos, à l’assaut des pistes du circuit de la coupe du monde. Avec eux, je voyage sur les sommets enneigés d’Europe et, dans les plus effroyables défaites comme dans les plus éclatants succès, je vibre à chaque course. J’ai aujourd’hui 22 ans et c’est toujours avec une excitation enfantine que je suis religieusement les exploits des biathlètes tricolores.
Sport de niche malgré lui, le biathlon mérite pourtant d’être partagé. Si les efforts récents de démocratisation de la discipline sont à saluer, beaucoup reste à faire. Puisqu’en amour comme en toutes choses, la jalousie est un vilain défaut, j’aimerais vous convaincre aujourd’hui de suivre une course, rien qu’une seule. A l’occasion des championnats du monde, tremblez avec moi à chaque balle s’échappant du pas de tir, retenez votre souffle à chaque attaque lancée sur la piste. Comme le petit garçon de 2004, tombez amoureux de la reine de toutes les disciplines d’hiver.
Alors, vous exulterez lorsqu’au terme d’efforts prodigieux, nos biathlètes brandiront triomphants, au-dessus de la piste immaculée, le drapeau bleu blanc rouge victorieux.
A.G.
Les championnats du monde de biathlon sont à suivre, du 12 au 23 février 2020, sur Eurosport ou sur la chaine l’Equipe.