A la recherche de l’élégance perdue

Un énième article sur la mode ? Assurément pas ! Une ode à l’élégance masculine ? Très certainement. En effet cette partie liminaire, cette simple préface n’est que le manifeste annonçant une série d’articles abordant le style comme une question sérieuse. Car le style est avant tout une question culturelle, et est innervé de références historiques, sociales, artistiques et intellectuelles. Alors que la mode se démode, le style reste. Tout l’enjeu de ces articles futurs sera donc de partir à la recherche de cette élégance intemporelle, et souvent égarée dans les méandres de la fast-fashion . Vous ne trouverez dans nos mots aucun compte rendu du dernier défilé Chanel printemps/été 2020, mais une véritable réflexion sur les vêtements ainsi que sur leurs porteurs : juristes, hommes politiques, artistes, intellectuels, écrivains… Car tous ces hommes d’aujourd’hui et d’hier, ces hommes de lettres, ces personnages qui ont marqué leur temps ont toujours porté un grand soin à leur tenue. Ces hommes se distinguaient par leur élégance qui n’était que le prolongement de la finesse de leur esprit. Les vêtements sont la peau que l’on a choisie de revêtir, à ce titre ces derniers en disent long sur nous, nos passions, notre caractère, la façon dont on s’assume socialement. Vous l’aurez compris le style est une quête de tous les jours, et nos articles seront modestement là pour vous y accompagner.

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Hervé Temime dans son cabinet, rue de Rivoli, à Paris, le 17 décembre 2019 posant pour Libération
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Robert Badinter, alors ministre de la Justice, le 14 juillet 1981. Photo Jean-Régis Roustan. Roger-Viollet.

Ce premier article s’intéressera à un sujet éminemment sérieux, puisqu’il s’agit d’aborder la question des codes vestimentaires chez les juristes.

Avocats, politiciens, magistrats, diplomates, ils sont nombreux à se croiser dans les arrières boutiques feutrées des plus grands tailleurs parisiens. Rares moments d’accalmie dans ces quotidiens chargés, où seule la question de la coupe et de l’étoffe demeure. Les étiquettes politiques s’effacent pour laisser place à celles des rouleaux de tissus italiens, anglais, ou hollandais. C’est à l’abri du regard des profanes que se transmettent les codes intemporels de l’élégance masculine. Ces petits détails, connus d’une poignée de personnes et qui vous démarqueront assurément des autres. Ces codes d’élégance se transmettaient autrefois de père en fils, malheureusement ce lien autrefois indéfectible a fini par se briser. Il me paraît donc bon de vous livrer quelques-uns de ces détails. Précisons qu’il ne s’agira pas d’une liste exhaustive et que nous nous concentrerons sur les points fondamentaux.

 

La coupe

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Jake Grantham, Florence, 2019. Il porte un costume croisé six on two en flanelle de laine à rayures tennis. Petit détail : ce dernier coince sa cravate dans le revers de sa veste. Cela s’appelle faire baver sa cravate.

Il serait possible d’écrire dix articles ne serait-ce que sur le cintrage d’une veste mais voici ce que vous devez garder à l’idée. Le costume est redoutable, il peut aussi bien embellir votre silhouette comme la démolir à coups de faux plis. Commençons par la veste. Ses revers doivent être généreux (par pitié pas de costume the Kooples ou Sandro), et la naissance de ce revers doit créer un beau roulé. Un revers généreux a pour résultat de souligner votre carrure et de donner de la prestance. Pratique pour plaider vous en conviendrez. La longueur de la veste doit s’arrêter au creux de vos poings lorsque vos bras sont laissez le long de votre buste. Prenez la avec deux , trois boutons, ou encore mieux ! Croisée ! Les épaules doivent être naturelles avec un léger  rembourrage dans le cas où le fait de porter à longueur de journée votre Code civil ne vous aurait pas encore rendu carré.

L’exercice du pantalon de costume n’est pas moins périlleux. Il doit être taille haute, ou au minimum à la taille naturelle. La taille haute a pour effet d’harmoniser la silhouette en la scindant en deux à mi corps. Donc remontez vos frocs par pitié ! Choisissez-les à pinces simples ou doubles, françaises ou anglaises. Cela apporte confort et élégance (pour une fois que cela va de paire, soulignons le). Le pantalon doit être ajusté mais ne doit pas mouler les cuisses d’acier que les 6 étages hebdomadaires pour aller en TD d’anglais vous ont forgées. Enfin il doit se terminer par un ourlet de 5cm qui embrasse délicatement vos lacets (désolé Hollande, il n’y a rien de personnel).

 

L’étoffe

Du bleu marine, du gris, du beige, du marron (no brown in town is dead), mais surtout osez les motifs ! Cela donne du relief et du cachet à votre tenue. Donc oui aux rayures craies, aux motifs : tartan, pied de poule, vichy (on se calme la cocarde), ou chevron. Pas besoin de s’acheter un costume rose saumon pour se démarquer de cette forêt de costumes noirs que nous laisserons par ailleurs aux étudiants d’école de commerce.

 

La chemise

Facile : blanche, bleu ciel, à rayures, fil à fil, en Oxford mais toujours avec un col généreux. Le col boutonné est de même une bonne alternative aux cols italiens et français. Petit rappel pour les étudiants d’Assas Melun : les chemises noires que vous arborez pour sortir le samedi soir et aller au Mezzanine Club (40 rue du Trou Grillon, 91280, Saint Pierre-du-Perray), vous la jetez à la Seine ! Même sentence pour les petites fraîcheurs du *** club et de la B*** quand vous allez crier « pompelop » aux Planches.

 

La cravate

PAS DE CRAVATE BRILLANTE. Fiou ! Ça fait du bien ! Donnez-vous un petit côté Jean d’Ormesson et osez arborer une cravate en tricot de soie. Pratique pour lier les mains d’une fille, pour se donner un coté intellectuel en terrasse du Flore. Vous pouvez de même opter pour des cravates club. Gardez simplement à l’esprit que la largeur de cette dernière doit être autour des 8cm et qu’elle doit arriver au dessus de la boucle de ceinture. Pas besoin de « cache sexe » si votre braguette est bien fermée.

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Jean d’Ormesson, arborant une cravate en tricot de soie noire et une chemise à col boutonné. Jetez un coup d’œil à la boutonnière de sa veste de costume. Elle est faite à la main, cela s’appelle une milanaise.

 

Les chaussures

Pas de chaussures à la Jacquouille « ultra pointues turlututu » (cf. Palmashow). Mais des souliers à bout rond, noires, marrons ou aubergines, sans patine artificielle, en cuir suédé, lisse ou en cordovan.

 

Bonus

Par ce que le diable se trouve dans les détails voici quelques codes pointus supplémentaires : les boutonnières milanaises (réalisées à la main), le cran parisien pour les vestes de costume, les cravates en tricot bleues-marine à pois blancs, les chemises à rayures et col blanc (chemises de banquiers), les lunettes en écaille, rondes et épaisses.

 

 

Voilà ce qui devrait faire oublier à votre futur patron, chargé de TD, directeur de master, mère le fait que vous ayez eu vos années à 10,00 chaque semestre.

 

 

Arthur Samier, étudiant en deuxième année de double licence Droit/Histoire de l’art et fils de tailleur

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