Jour de confinement n°17
Tout juste réveillée, j’essaie de me convaincre d’enfin faire « quelque chose » de ma journée. Mon humeur matinale en est d’ailleurs le témoin : pour la première fois depuis 17 jours je me réveille avant 11h, ce qui est déjà une prouesse.
Pourtant mes efforts d’auto-persuasion ne vont pas durer. En effet, mon téléphone à peine allumé, les nouvelles tombent. D’un côté, mes parents qui relayent la dernière théorie du complot sur notre nouveau groupe « Famille 😷 » , de l’autre, l’administration, plus présente lors du confinement que le reste de l’année, qui me harcèle de mails aux titres aguicheurs : « Fwd : Re : Re : Re : T’auras pas de vacances. Lol. ». La journée commence bien.
Ce n’est pourtant pas le moment de baisser les bras, je me lève donc, prends le premier repas des 18 autres prévus pour la matinée, et me recouche. Il ne faudrait pas non plus trop pousser l’effort.
Je me prépare pour la seconde performance de la journée : le cours à distance. Après avoir sélectionné l’une des 4 plateformes mises en place, puis l’une des 300 classes sur un fichier Excel plus indéchiffrable qu’Enigma, j’arrive sur mon « espace virtuel ». Ce sentiment d’entrer dans une nouvelle ère est palpable, Assas est clairement « la fac du futur ». Bon peut être pas du « futur », en réalité cela fait 15 minutes que je n’ai pas de son. Après de multiples prouesses techniques, autrement dit recharger la page, mon problème est résolu mais ma concentration quant à elle se porte en vain sur des vidéos Facebook de golden retrievers.
Suite à cet effort titanesque je décide de me rendre utile et de développer mes talents cachés, même s’ils le sont depuis ma naissance. Certains se mettent au yoga, ou au sport, certains décident de cuisiner, d’autres de peindre voire de jouer d’un instrument. J’essaie le yoga, je me retrouve avec le dos bloqué et pas de kiné pour m’aider. J’essaie de cuisiner mais le supermarché est dévalisé pour les six prochaines années en PQ et farine. J’essaie de dessiner mais très clairement mes talents s’arrêtent à la pyramide des normes. J’abandonne donc pour aujourd’hui.
Surmenée par cette journée épuisante j’allume la télé, ce qui fut ma plus grosse erreur. Sur toutes les chaînes des éditions spéciales « COVID-19 » se succèdent. Tellement spéciales que toutes parlent de la même chose : les vieux qui meurent, l’énième décryptage du discours du Premier ministre (mais personne ne s’interroge sur sa barbe), Raoult, entre demi-dieu et demi-charlatan, mais encore plus important, faut-il désinfecter sa baguette au gel hydroalcoolique ? Heureusement, l’Equipe 21 me permet de m’évader avec son programme pétanque/bûcheronnage sportif la journée, catch la nuit.
La journée touche enfin à sa fin, je m’installe confortablement dans le lit que je n’ai en réalité jamais quitté. Je décide alors de m’accorder un moment détente en partenariat avec le service des sports et son atelier sophrologie car n’oublions pas que le plus important dans une crise sanitaire c’est de se calmer par l’ASMR.
Sofia Khattari