En cette période de confinement, difficile de se rattacher à quelque chose, de trouver une nouvelle passion, de rêver de nouveau. Et pourtant, 7. KOĞUŞTAKI MUCIZE vient nous offrir une nouvelle raison de vivre, un nouveau combat. Car oui, ce film se présente comme une lutte incessante. Une lutte pour la vérité. Une lutte contre le pouvoir. Une lutte pour l’innocence. Une lutte pour protéger le lien unissant une fille à son père. Une lutte pour l’amour. Mais surtout, une lutte pas comme les autres.
Memo, tête de turc
Le scénario paraît simple. Et pourtant, les éléments qui y sont incorporés lui donnent cette force, cette puissance, suffisante pour nous terrasser.
En quelques mots: Memo, un homme accusé à tort du meurtre de la fille d’un commandant militaire, emprisonné, et condamné à mort.
Là où le film prend une autre tournure, et se distingue des histoires trop classiques vues et revues, c’est dans la création des personnages.
Il n’est jamais évident de montrer à l’écran, surtout en tant que personne principal, un homme handicapé mental. C’est le choix fait par le réalisateur
Mehmet Ada Öztekin, qui adapte – voire reproduit – le film coréen Miracle in Cell No. 7, lui-même inspiré de loin d’un fait divers en Corée du Sud dans les années 1970, pour produire ce chef d’œuvre.
La performance de Aras Bulut Iynemli, dans le rôle de Memo, nous laisse sans voix. Abasourdis par le jeu de celui qui se destinait à l’ingénierie aéronautique, nous ne pouvons que saluer le talent de cet acteur, que l’on reverra sur de plus gros projets, pour sûr. Il a même été légitime de se poser la question de savoir si l’acteur était lui-même handicapé mental : c’est sans doute l’ultime compliment que l’on peut faire à un interprète. Arriver, à ce point, à faire tomber les barrières entre fiction et réalité, relève du génie.
Des le début, nous savons que Memo est innocent, nous avons été témoins de l’incident. Le voir roué d’innombrables coups, emmené en prison, passé à tabac par ses « compagnons » de cellule, nous touche au plus profond de notre âme. Surtout quand on observe l’amour indéfectible entre ce berger et sa fille. Memo est prisonnier, et pourtant, c’est bien nos cœurs qui paraissent enfermés entre quatre murs.
Memo n’a ni haine, ni rancune. Oui, Memo est innocent. C’est même l’innocence, à son essence.
Une critique acerbe d’un pouvoir, et ce, en langue étrangère
Le réalisateur ne se cache pas pour critiquer un pouvoir qui emprisonne facilement, sans preuves ni témoignages.
L’emprisonnement politique est une réalité. Un homme est ici mis en prison, parce qu’un haut responsable militaire est touché par l’événement. La fin du film, sans vous la dévoiler, va dans le même sens. Pas de principe de légalité dans ce genre de régime.
Le cadre spatio-temporel est important. Le film se situe dans un village de la côte Égéenne turque en 1983. Ni le décor, ni la date ne sont choisis au hasard, puisque le régime militaire critiqué n’est autre que celui instauré par le coup d’Etat du 12 septembre 1980 organisé par l’Armée turque, avec à sa tête le général Kenan Evren.
Mettre en lumière les agissements de ce régime peut s’avérer risqué. En effet, certaines arrestations « faciles », que l’on croit d’un autre temps, semblent toujours exister, et notamment dans le pays où se déroule l’action du film.
Par ailleurs, il est compréhensible, prima facie, de se montrer réticent à l’idée de regarder un film turc, en turc, puisqu’il est indisponible dans une autre langue. Les sous-titres français s’imposent à nous, mais aucun problème à ce niveau. Au contraire, la langue, si lointaine de la « nôtre », donne une autre dimension à ce long-métrage. Elle lui apporte un étrange dynamisme, une mystérieuse vitalité. La langue est, en somme, le miroir et le portrait de l’âme de ce film.
Ce film a fait pleurer le monde entier. La langue de la vérité et celle de l’amour paternel sont universelles. Voyagez. Rêvez. Laissez-vous bercer par cette comptine. Elle saura vous émouvoir. Je vous laisse, j’ai une poussière dans l’œil.
LINGO LINGO
R.