La plage, c’est de la merde

La semaine dernière j’étais au camping, et c’est de la merde.


 

Après une année haute en couleur, passée les uns éloignés des autres du fait de nos études diverses, nous avons décidé de partir ensemble. La première difficulté a été celle du « quand ? ». Deux mois d’été – trois pour les êtres inférieurs en fac auxquels j’appartiens – et impossible apparemment de trouver une semaine qui convienne à tout le monde. La famille de Simon l’emmène à Marrakech en août, Nadège part méditer deux semaines au Sri Lanka début juillet, puis elle accompagne Charles à Venise (ils ont besoin de se retrouver). Julien travaille presque un mois et demi pour se faire un peu d’argent, Marie fait un stage de trois semaines et Antoine ne sait pas s’il sera aux rattrapages à la rentrée. 

Nous parvenons finalement à libérer cinq jours pour tout le monde mi-juillet entre deux avions, cinq jours durant lesquels la maison de vacances de l’oncle de Julien est libre. Tout le monde est ravi sauf Marie, qui préfère la Méditerranée à l’Atlantique et qui ne comprend pas pourquoi on essaie pas de louer au Rayol. Le trajet pose également problème. Simon est le seul à avoir le permis, et aucun parent n’accepte de nous laisser sa voiture. Grand débat sur ce qu’il vaut mieux : bus ou train. Charles a réussi à trouver un trajet ridiculement abordable, il est vrai, mais qui implique un bus de nuit, une navette inter-villages, et quelques bornes en stop. Un consensus est adopté pour un départ de Paris en Ouigo et un retour en bus (un seul, il part du village celui-ci). 

Jour J : rendez-vous à la gare. Marie doit payer un supplément pour sa valise qui manifestement ne rentre pas dans les dimensions bagage cabine. J’admire cependant son culot lorsqu’elle déclare pleine de mauvaise foi au contrôleur que bien sûr que si ça rentre, alors que la valise en question fait approximativement la taille d’un jeune bœuf. Le trajet se passe agréablement malgré les plaintes de Julien qui n’a pas pu prendre sa guitare (tant pis pour Tryo). Arrivés à la gare de M…, Julien nous annonce qu’il y a quelques bornes à pied avant d’arriver à la maison. A mi-chemin, Antoine réalise paniqué qu’il a oublié un de ses deux sacs dans le train. Il ne lui reste qu’un sandwich, deux mangas et la Switch. Soulagement du coté de Simon et Charles : tant que la Switch est avec nous, tout va bien.

Arrivés à la maison de l’oncle de Julien, on s’installe rapidement. Déjeuner à partir de ce qu’on avait pour le train, on fera les courses plus tard. Tout le monde en maillot, sauf Antoine qui se contentera de son boxer du jour, et on court vers la plage, en saisissant au passage quelques affaires qui pourraient nous servir. L’excitation générale disparaît quand le sentier qui mène à la mer se révèle être traîtreusement couvert d’épines de pins. « Ah oui il y en a beaucoup dans la région » se rappelle Julien. Personne n’ayant pensé à prendre de tongs, nous voici sept jeunes adultes avançant clopin-clopant, les bras chargés de raquettes, ballons, parasol et serviettes. Le sable ne nous épargne pas davantage, brûlant nos délicats pieds citadins. Si j’adopte, comme la plupart de mes camarades la technique de la gazelle sautillante, consistant – en gros – à bondir au moindre contact avec le sol, j’observe que d’autres ont fait des choix plus radicaux. Charles, le torse bombé plein de virilité s’enfonce les pieds dans les dunes sans laisser transparaître l’expression de sa souffrance, sous le regard énamouré de Nadège qui sautille encore plus rapidement que moi. Antoine ne semble pas se soucier de la chaleur, ses heures passées déchaussé dans les parcs lui auront peut être servi finalement. 

Installation sur la plage, on jette les serviettes en grand tas, on plante le parasol afin d’abriter les bières que Julien a eu la vivacité d’esprit de chiper à son oncle, et, sans se consulter, on s’élance vers la zone de baignade. Quelqu’un crie « le dernier à l’eau dort dehors ce soir », un rire suit ce défi, mais je ne les écoute pas. Je porte mon maillot préféré, je suis épilée, mon summer body est au top, j’oublie tout pour courir cheveux au vent vers l’océan, digne d’une actrice de Baywatch, et espérant secrètement qu’un des sauveteurs qui surveille se délaisse de sa noble tâche pour me remarquer, sylphide galopant sur le sable. Le contact avec l’eau à 19 degrés de l’Atlantique calme très vite mes ardeurs – celles de mes camarades aussi remarque-je, et j’observe un retour de la gazelle sautillante chez certains d’entre nous. A partir de là deux options : celle que nous présente Nadège qui se rince délicatement la nuque pour éviter tous risques d’hydrocution, contre la technique Julien qui se jette à l’eau sous nos regards amusés – qui se transforment en terreur quand il décide de nous « aider » à rentrer à l’eau. C’est ainsi que je me fais jeter dans l’océan glacé, mais je prends le parti d’en rigoler. C’est bon enfant, après tout on est là pour s’amuser. Je ressors de l’eau avec un grand sourire, vite effacé par le rouleau que je me mange en pleine face. Je ne rigole plus. Marie ne semble pas réceptive aux vagues imposantes non plus et nous signale avec justesse que dans la Méditerranée au moins y a pas de vagues. 

On décide de jouer au ballon dans l’eau, mais la partie est vite coupée car Charles craint que son ballon ne soit emporté vers le large. S’ensuit une bataille d’eau qui pousse une Nadège furieuse à retourner sur la terre ferme « Je vous avais dit que je voulais pas me mettre de sel dans les cheveux ! ». Au bout d’une petite demi-heure dans l’eau, les plus courageux d’entre nous déclarent forfait, les lèvres violettes. Alors que je tente de regagner la plage, un ultime rouleau me balaie, je sens alors le délicat nœud qui retient mon bas de maillot se défaire, et songe fugacement que braver les vagues en bikini n’était finalement pas la meilleure des idées. J’émerge des flots tumultueux une algue collée au visage. Mon humiliation est à son comble quand je dois rattacher mon maillot en passant sous la chaise des sauveteurs. Je baisse la tête, vaincue.

Retour aux serviettes, je constate qu’un rude combat s’est engagé concernant la conquête du parasol. Nadège ne veut pas exposer sa peau au soleil – ça donne le cancer ! – et Simon qui soutient avoir une « peau de roux » semblent être les candidats les plus sérieux. Antoine propose que chacun d’entre eux prenne un petit espace et mette la tête à l’ombre, solution qui m’apparaît comme relativement logique mais qui déplaît fortement aux deux concurrents de tête. Une raquette fuse dans sa direction, calmant toute velléité de rébellion contre Simon et Nadège qui deviennent propriétaires de fait de l’espace ombragé. Marie et moi nous installons pour faire bronzette, sous les moqueries de nos homologues masculins, qui nous voient nous tartiner de crème solaire. Je suis quelqu’un de solide mais les mots « fragile », « victime » et « sale vieille » piquent tout de même. Dame Nature me vengera, couvrant Antoine et Julien d’une très jolie couleur écrevisse avant le dîner. Cependant même ma crème 40+ n’aura pas suffi à me protéger. De malencontreux oublis sous le fessier et au niveau des chevilles viendront torturer le reste de mes vacances. 

Quand vient l’heure du goûter, nous partageons BNs et bières. Les bières sont chaudes, mais je décide de passer outre cet inconfort pour me concentrer sur mon biscuit souriant – je lui souris d’ailleurs en retour. Un monstre des sables – parfois appelé enfant – choisit cet instant pour courir près de ma serviette (le mot courir est presque inadapté, il semble résolu à nager de la façon la plus grossière possible dans le sable qui l’entoure).  Ma serviette est dégueulasse, mon BN ruiné, ma vie aussi. Marie et Charles commencent une partie de raquette de plage, qu’ils abandonnent vite parce que c’est chiant. Julien propose un grand beach volley, qu’on interrompt vite parce que c’est chiant. Nadège propose un concours de mandala dans le sable, auquel on ne participe pas parce que c’est chiant. La plus grosse animation de cette fin d’après midi consiste à noter les vieux nudistes qu’on voit passer – ils pullulent dès qu’on s’écarte de la zone surveillée apparemment. Antoine nous dit alors qu’il aimerait bien essayer le naturisme. Un silence suit sa déclaration.

Retour vers 18h à la maison. On se douche rapidement avant d’aller faire les courses avec Simon , Marie et Julien. Charles et Nadège se posent en amoureux à la maison et Antoine doit laver son unique caleçon à la main. On se décide sur un grand barbecue. Cette après-midi à été éreintante. Grande confusion à la caisse quand on nous demande si on souhaite avoir « une poche ». Notre incompréhension de l’expression locale désignant le sac plastique nous trahit et nous voilà les parias du village. Nous espérons plus de chaleur de nos camarades restés garder le fort. Que nenni, Nadège ne mange plus de viande – apparemment ça veut dire que devant elle, Charles non plus. Nous parvenons à bricoler des pâtes pour les néo-végétariens, et laissons Julien gérer le barbecue « Je gère t’inquiète ! ». Il gère pas, c’est pas cuit. Quand il tente de corriger son erreur ça l’est trop. On va se coucher épuisés. Plus que 4 jours. 

 

La plage, c’est vraiment de la merde.

 

 

Adèle

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