NDLR : Cet article est une contribution extérieure à la rédaction de La Pravd’Assas. Le présent article fait écho à un autre publié il y a quelques semaines dans nos colonnes : Assas et la vertu de l’indifférence : étude de la politique universitaire de Paris II à l’épreuve de la massification étudiante
À Louis, étudiant brillant, dont les mots ont provoqué chez nous beaucoup de larmes et une pointe d’amertume.
Et à tous les usagers de notre Université.
« Pour commencer, il faut commencer. Et on n’apprend pas à commencer. Pour commencer, il faut simplement du courage », nous enseigne Jankélévitch. S’il est indéniable que l’entrée dans l’enseignement supérieur est toujours source d’inquiétude – ou même d’angoisse – notre maison y est peut-être pour quelque chose. La « relative hystérie » décrite si joliment n’est pas une simple fiction.
Nous n’avons nullement la prétention de répondre à tous vos points ; nous comprenons parfaitement les raisons qui motivent votre texte. Toutefois, à l’approche de la rentrée universitaire, il nous semble opportun de reprendre quelques-uns de vos développements, et de les nuancer. Voyez dans ce court texte l’expression de nos remerciements, et une forme d’hommage à votre courage (et à votre plume !).
I. De nos professeurs et de leur rapport à l’éducation
Mais qui sont donc ces agents en robe ?
Ces agents en robe, plus communément appelés enseignants-chercheurs (ou profs d’amphi), sont les sages de notre Université. Si nous, les usagers, sommes « leur raison d’être », et si c’est « pour nous qu’ils font ce métier », comme l’a justement souligné le Professeur Truchet, ils n’en restent pas moins la colonne vertébrale de l’Université.
Une poignée de personnes, c’est ça ?
Eh bien non ! D’abord, ils ne sont pas une poignée, mais 305 (il s’agit d’une valeur approchée. Ce que nous appelons un professeur n’est pas forcément un enseignant-chercheur, et vice-versa). Ils ne sont donc pas une simple poignée. Accessoirement, ils représentent 13% du personnel de l’Université.
Ils sont peut-être très forts, mais ils ne connaissent rien de la fac et de nos problèmes.
Là encore, c’est très discutable. Pour les maîtres de conférences, plus de la moitié (50,9% pour être précis) d’entre eux ont fait leurs études à Assas. Avant d’y enseigner, ils y ont étudié. Et les problèmes n’ont pas particulièrement changé depuis. Ils sont peut-être même plus au courant que dans d’autres universités, puisque la moyenne nationale d’endo-recrutement est de 20,8%.
Ça ne veut pas dire qu’ils sont pédagogues.
Peut-être, mais tout a été fait pour qu’ils le soient. Avant de devenir professeurs des universités (par agrégation ou non), la plupart des enseignants passent par la case « maître de conférences ». Pendant un an, ils sont des stagiaires, et bénéficient d’une formation « visant l’approfondissement des compétences pédagogiques nécessaires à l’exercice du métier ». Ils peuvent même bénéficier, au cours des cinq premières années d’exercice, d’une formation complémentaire. Et s’ils en font la demande, ils n’ont plus à enseigner, pour se concentrer sur cette formation. La vie est bien faite, non ?
II. Des chargés de travaux dirigés ainsi que de leurs missions
Qui sont-ils ?
Les chargés de TD sont une jungle : ils sont nombreux, n’ont pas tous le même statut, ni le même parcours. Pour simplifier, nous distinguerons deux types de chargés : les ATER et les vacataires. Tout ce beau monde forme un ensemble de 1707 personnes.
Et pourquoi sont-ils aussi mal traités ?
Eh bien, c’est comme ça. Du moins, c’est comme ça que ça marche, et l’Université n’y peut rien. Le statut des ATER est gravé dans le marbre. Ils doivent donc assurer « les tâches liées à leur activité d’enseignement », mais aussi participer « au contrôle des connaissances et aux examens ». Il est d’ailleurs précisé que « l’exécution de ces tâches ne donne [pas lieu à] une rémunération supplémentaire ».
Pour ce qui est des salaires, là encore, l’Université n’a pas son mot à dire. Les ATER sont rémunérés « par référence à un indice unique fixé par arrêté » conjoint de plusieurs ministres.
Pour les vacataires, les règles sont les mêmes. Des tâches et des salaires, on ne discute pas…
III. De la grandiloquence de nos locaux et de notre terrible calendrier
Qu’ai-je fait pour mériter un TD à 7h45 ?
Rien ! Mais à vrai dire, l’Université non plus n’y est pour rien. L’Université rêve de pouvoir proposer des TD uniquement de 9h à 17h. Tout est prêt pour le faire : les chargés de TD sont disponibles (et même heureux de ne plus avoir à se lever en pleine nuit), l’administration ne recevra plus de complaintes, et l’ambiance de travail n’en sera que meilleure.
Une seule ombre au tableau : les locaux. Avec 60 000 m2 de surface, l’Université accuse un sérieux déficit de locaux. Il manque entre 5 000 et 10 000 m2. Un rapide coup d’œil devant les écrans d’affichage suffit à s’en rendre compte : toutes les salles disponibles sont occupées, et ce durant toute la journée.
L’Université a conscience de ce problème. Elle a révisé son schéma pluriannuel de stratégie immobilière, a rationalisé les espaces loués, et s’est doté en 2016 d’un service patrimoine. L’achat d’un nouveau centre, dans le quartier Censier en particulier, prendra encore plusieurs années. Il faudra encore attendre.
Et le calendrier, on en parle ?
Avec plaisir. Comme dans toutes les Universités, le calendrier est adopté par les conseils centraux. A Assas, la rentrée a lieu fin septembre. La fixation de ce calendrier ne répond pas à un objectif budgétaire, mais bien à un objectif pratique.
La massification étudiante est une partie du problème. Pour la campagne 2019, l’Université a proposé 2358 places sur la plateforme Parcoursup. Elle a reçu 45 522 candidatures. Or, la volatilité des candidats a retardé le processus d’inscription. Ainsi, au 26 juillet 2019, le nombre d’inscrits en première année de licence était anormalement faible. Il faut donc laisser à l’Université du temps pour inscrire les futurs étudiants. Pour une rentrée début septembre, le calendrier devient intenable. L’université de Bordeaux en a fait l’amère expérience. Pour l’année 2019/2020, elle avait déjà repoussé la rentrée d’une semaine. Mais au 9 septembre 2019, il manquait encore près d’un quart des inscriptions pédagogiques. Elle a donc dû repousser d’encore une semaine la rentrée, et a dû gérer des flux exceptionnels d’étudiants mécontents.
Si l’Université peut certainement réfléchir à une rentrée aux alentours du 20 septembre, il lui est en revanche impossible de l’envisager début septembre.
La question des vacances intermédiaires pose elle aussi des problèmes. Pour conserver le même volume de cours, l’Université devra soit étendre la durée de l’année universitaire avec des cours jusqu’à début juin, soit optimiser encore les locaux. Les TD à 7h45, voire plus tôt, deviendront la norme.
IV. Du développement des prépas privées et des interrogations qui en découlent
Cette partie n’appelle aucune remarque, tant les points soulevés par Louis sont éloquents.
V. De l’optimisation permanente et de la sélection en master 2
Cette partie non plus.
Conclusions plus générales
Il ne nous appartient pas de proposer une même conclusion. Notre attention se portera sur les quelques recommandations formulées :
- Une semaine de vacances à la Toussaint. En l’état, ce n’est pas faisable, sauf à réduire le volume de cours. Mais réduire le volume de cours ne semble être demandé ni par les élus UFR, ni par les élus centraux.
- Une double correction pour les galops d’essai. Un grand OUI.
- Le plafonnement à 20 du nombre d’étudiants en TD. L’Université le fait partiellement pour les langues. Pour les autres, c’est souhaitable, mais difficilement réalisable.
- La fixation d’un barème de TD. Pourquoi pas.
- La refonte du système de sélection en M2. C’est en cours.
- Un rapport externe sur les pratiques professorales. Tout cela existe déjà : ce sont les rapports du HCéres.
Nous conclurons par un mot pour Louis.
Louis,
L’absence de stratégie à long terme et de programmation pluriannuelle conduit inévitablement au développement d’offres concurrentes. L’Université a certainement sa part de responsabilité dans cette carence. Mais l’Université souffre aussi d’un « manque de disponibilité immobilière, qui limite le développement et les synergies ». Gageons qu’elle pourra, avec l’acquisition de nouveaux locaux, corriger les points que vous soulevez.
Signé : un granit porphyroïde