L’Université Paris II – Panthéon-Assas, on l’aime ou on la quitte. Bien heureusement pour vous chers lecteurs, nous finissons tous par la quitter.
Cela étant dit, quoi de plus ambivalent que la relation que nous entretenons avec notre université ? Nous déplorons ses moyennes terriblement basses, les petits suspenses quotidiens de l’administration, et les QCM en ligne de 30 minutes avec une marge d’erreur de 25 minutes, mais nous ne manquons pas de crier haut et fort que nous sommes de la première faculté juridique de France.
Alors ce soir, je vous propose de lui déclarer votre flamme. L’idée vous surprend car vous trouvez rarement les mots « amour » et « Assas » dans la même phrase. Pourtant c’est bien vrai. Vous ne voulez pas vous l’avouer parce qu’elle vous a trop blessé, mais La Pravd’Assas n’est pas dupe : vous aimez votre université ! Si vous persistez à ne pas me croire, je vous rappellerai qu’il n’y a qu’une ligne fine entre l’amour et la haine… A méditer.
A commencer par ses locaux, notre belle faculté nous donne accès à un des bâtiments parisiens les plus exotiques. A la fois moderne et ancien, il est fonctionnel et mal foutu. Tant de fascination derrière quelque chose qui d’apparence impressionne avec son plafond scintillant mais dont les innombrables escaliers nous perdent. Finalement, on se sent un peu comme Alice quand elle arrive au pays des merveilles : ébloui par sa fantaisie en y entrant, désorienté à sa sortie. N’est-ce pas là la définition de votre dernière relation amoureuse ?
Si les locaux manquent de logique, il semblerait que ce virus se soit propagé au sein de l’administration et du personnel enseignant. Les aléas des notes et du chargé de TD, les retards de correction, les incompréhensions dans la sélection : tout est là pour vous tenir en haleine. La faculté est en réalité votre source de divertissement quotidien.
Avec Paris II, pas de place à l’ennui. Certains ont pris peur à l’annonce du confinement : que vais-je faire chez moi pendant deux mois ? Heureusement, vous pouvez toujours compter sur vos chargés pour vous donner de quoi vous occuper. Entre commentaires ou dissertations, exposés ou galops d’essai, on ne sait plus où donner de la tête. Dès la première année, vous avez la chance d’avoir des professeurs incitant au dépassement de soi : “De toute façon, vous n’arrivez pas à trier l’important de l’inutile, donc il vous faut tout apprendre par coeur.” (Franck Roumy)
Comme tout être aimé, vous la soutenez dans ses hauts et ses bas. Vous pensez que l’administration de la continuité pédagogique est chaotique, vous signez une lettre au président. Vous êtes contre la lettre, vous la condamnez auprès de vos amis. Bref, elle vous fait exister au sein d’une communauté et parfois, ce sentiment se traduit par la critique même de l’université : « Toi aussi t’étais à Assas ? Mon pauvre ! »
Surtout, elle vous offre la possibilité de vous plaindre sans jamais vous décevoir. En tant que bon français, vous voyez là un moyen d’assouvir vos désirs quand la culture du ‘roooooooooh’ vous ronge. Les événements récents n’ont pu que calmer vos ardeurs lorsque les serveurs ont interrompu votre épreuve en cours et que vous avez appris qu’en fait, il n’y avait pas de sauvegarde automatique. Depuis des jours, les étudiants voient le siège de sa réputation sur lequel Assas s’est avachie depuis tant d’années la rattraper et prennent un malin plaisir à la dénoncer. Entre memes et accusations, votre esprit créatif est stimulé et vous pouvez enfin vous plaindre sans que l’on puisse vous blâmer pour ‘manque de travail’.
Enfin – et voici la raison première de cette déclaration – je ne pourrai jamais assez remercier l’université d’être à l’origine de mon péché mignon : la Pravd’Assas. C’est le journal que je prends avant d’entrer dans l’avion, celui qui est dans mon sac en cas de longues heures d’attente et qui est toujours là pour me faire sourire par des temps difficiles. Entre les articles humoristiques et leurs commentaires maladroits, j’ai pu découvrir de fabuleux personnages, à commencer par nos réactionnaires faisant mine de porter un bonnet phrygien.
Avant de vous laisser retourner à vos occupations de déconfinement, je vous demande un peu d’indulgence face à mon énième tentative de relativiser ces quelques années passées aux côtés de Manuel Miler et de vouloir en tirer le meilleur profit. Quelques vérités se cachent parmi ces inepties et j’espère qu’elles auront su vous faire sourire.