- Pourquoi avoir choisi la Pravda pour cette interview?
On suivait auparavant la Pravda, de plus, vous êtes quand même un réseau médiatique assez important à Assas, vos différents posts nous plaisaient déjà et c’est important pour nous de travailler avec d’autres associations.
- Ne pensez-vous pas que nous avons besoin d’écologie plus que d’écologistes et que finalement politiser le débat sur l’écologie, n’affaiblit pas le but final qui est plus d’écologie en général?
Non, parce que depuis des années ce sont des associations qui portent ce débat, même EELV était à l’origine un parti politique au format associatif. L’écologie devient un enjeu politique très important, on voit bien que les partis traditionnels ont énormément de mal à porter ces enjeux. La loi climat par exemple n’est absolument pas à la hauteur des enjeux. La condamnation de l’Etat pour inaction climatique, le discours d’Etat au Conseil pour le Climat, il y a énormément d’éléments qui font de l’écologie un enjeu politique.
- Pourtant on a l’impression que ça ne marche pas, on a vu que EELV a fait partie des gouvernements Hollande et Macron qui ont des bilans écologiques à relativiser. Est-ce une alternative crédible de faire un parti écologiste plutôt que de faire une écologie dans les partis comme vous l’avez fait avant? Pourquoi changer directement et complètement de cap mtn?
Nathan : Depuis longtemps, on a une prise de conscience écologique dans le milieu associatif avec de grosses associations comme Greenpeace ou WWF qui ont une réelle volonté de défendre l’écologie, mais ça n’a jamais suffi. On a eu une prise de conscience à partir des années 2010, de la fin des partis politiques plus classiques, justement de ce besoin d’ancrer l’écologie au fond de la politique, mais cette prise de conscience était vraiment démagogique, elle avait une visée vraiment politique, pour rapporter plus d’électeurs. Le principe d’EELV Assas n’est pas de faire l’écologie une partie de la politique mais de faire de l’écologie le point central de la politique à défendre à l’heure actuelle. On veut faire de l’écologie la lutte principale du parti et pour le moment EELV est le seul parti à le faire en France.
- Quel programme EELV quant au nucléaire?
Nikolas : Je ne vais pas citer les enjeux de dangerosité, qui, d’ailleurs peuvent exister avec d’autres énergies on le voit bien avec les barrages qui sautent. Des dangers publics peuvent exister avec toutes les énergies sauf que le nucléaire apporte une dangerosité supplémentaire. Après oui il ne faut pas arrêter d’un seul coup car évidemment sinon c’est le retour du charbon, donc du coup il faut pouvoir faire une transition et se développer en accord avec les nouvelles technologies petit à petit de meilleures sources d’énergies. On voit bien qu’aujourd’hui des ressources incroyables sont investies dans la recherche sur le nucléaire, pour l’améliorer. Tout cet argent pourrait, dès aujourd’hui, être investi dans le développement d’énergies décarbonées et non pas dans la recherche nucléaire.
Nathan : Il y a un seul projet qui pourrait être viable et qui paraît intéressant c’est le projet d’une centrale à fission nucléaire, l’idée serait de créer l’équivalent de l’énergie d’un mini noyau solaire au sein d’une centrale ce qui permettrait d’éviter d’avoir des déchets nucléaires et qui permettrait de produire beaucoup plus d’électricité avec beaucoup moins d’uranium puisque du coup ce serait une centrale auto-suffisante
- Aujourd’hui il ne me semble pas qu’il y ait d’énergies aussi puissantes en termes d’efficience, qu’est ce qui permettrait de remplacer le nucléaire aujourd’hui, sur 20 ou sur 30 ans?
Ce problème d’efficience des énergies renouvelables vient aussi d’un choix de la part des politiques puisque la recherche, les investissements financiers dans la recherche sur les énergies renouvelables sont moindres par rapport aux différents investissements portant sur le nucléaire ou sur les énergies fossiles. Donc si aujourd’hui on a des énergies renouvelables qui existent et peuvent être un peu moins efficientes que le nucléaire, on en a quand même beaucoup qui se développent avec des projets de barrages hydrauliques ou d’hydroliennes encore, le principe ce sont des éoliennes sous la mer ou sous les parcs marins, qui permettent d’obtenir une puissance électrique supérieure. Ce sont des projets à travailler dans lesquels on peut investir beaucoup plus d’argent et qui permettraient de rapporter beaucoup plus de bénéfices plus rapidement et de subvenir de manière plus équitable au nucléaire.
- Quelle est votre position sur l’écologie de tous les jours? Quel est votre rapport entre l’écologie de tous les jours et la liberté de l’individu de choisir son moyen de transport?
Concernant ce problème, pendant les campagnes municipales, on a effectivement eu une grosse campagne sur les vélos et on a vu de plus en plus de pistes cyclables se développer à Paris, notamment rue de Rivoli qui est très marquante car il n’y a plus qu’une voie de voitures et des voies de vélo. On a à Paris un réseau de transports en commun qui est quand même assez exceptionnel qui compte tramways, bus, métro et qui est quand même très efficace. Ça reste quand même le meilleur moyen de déplacement à Paris pour être à l’heure. La voiture avec moteur à explosion ou la voiture électrique qui demande beaucoup de sacrifices écologiques au vu des et des matériaux demandés pour les construire, dans l’idée de l’écologie est quelque chose que l’on va devoir progressivement diminuer dans notre quotidien si on veut avoir un impact durable et personnel sur l’écologie. C’est un petit sacrifice que l’on peut demander à beaucoup de personnes lorsque les transports en commun sont bien développés.
Est ce que c’est pour autant une privation de liberté? Non parce que c’est une petite privation, c’est un pas vers une transition des mentalités. Aujourd’hui il y a énormément de gens qui prennent la voiture sans réfléchir, ça pourrait même être plus sympa et mieux pour eux de prendre le vélo. On ne veut pas faire une dictature écologiste, il s’agit juste de faire un petit pas pour que les gens se disent que finalement il existe d’autres moyens de transport. Après il y a des gens qui nous disent « oui mais du coup les handicapés ils font comment? oui mais les commerçants ils font comment? » L’idée n’est pas de dire que les handicapés se déplacent à vélo.
- Qu’est ce que vous répondez à la personne qui a travaillé toute sa vie, qui a réussi, qui a de l’argent et qui veut s’acheter une Ferrari pour rouler dans Paris et il se dit « moi c’est mon droit, j’ai bossé pour et en plus ça m’amuse ». Qu’est ce que vous lui répondez?
J’ai envie de dire qu’à partir du moment où ça tue de faire ça, on lui dit que la liberté commence là où s’arrête celle des autres.
- Ça tue de rouler en Ferrari?
Ça tue oui, 50 000 morts par an, c’est pas moi qui le dit.
On ne va pas non plus mettre des menottes à des gens qui veulent s’amuser avec des voitures de course mais ça va aussi passer par une prise de conscience. Leur faire comprendre que c’est pas une nécessité, que ça ne va rien leur apporter, que c’est plus risqué pour tout le monde autant du point de vue de la circulation que du point de vue de la pollution sonore ou encore de la pollution de l’air? Puis bon si t’as envie de conduire une Ferrari, l’intérêt de conduire une Ferrari dans Paris est presque nul, tu vas sur un circuit si vraiment tu tiens à conduire une voiture de course.
- Pourquoi toujours culpabiliser l’individu ?Des études montrent que les ⅔ de la pollution vient des grandes entreprises et vous n’en parlez pas. Vous ne proposez pas de réguler ou de contraindre les patrons ce qui est plus difficile que de jouer sur la culpabilité de l’individu.
Informer ce n’est pas culpabiliser. Il faut agir contre les grands producteurs oui mais les actes citoyens amènent les producteurs à réagir. Problème : les lobbies tiennent les grands producteurs et le boycott n’a pas réellement d’effet.
- EELV, c’est de l’écologie mais pas uniquement, en témoignent les luttes de ses leaders. Sur la laïcité par exemple, il y a eu au sein du monde universitaire sur le débat de l’islamo-gauchisme ; quelle position personnelle prenez-vous sur le fait qu’il y ait une connivence entre certains milieux intégristes et communautaires et le milieu universitaire français ? En somme, EELV, c’est Charlie encore ou pas ?
Évidemment, pas de véritable débat. Déjà, l’islamo-gauchisme est une invention de l’extrême droite et reprise par le gouvernement. Derrière, il y a des études sérieuses qui disent que c’est sans fondement, que cela ne correspond à aucune réalité sociétale. EELV est intraitable : pas de tolérance vis-à-vis de l’islamisme radical.
- On a pourtant vu Grégory Dessay refuser d’inaugurer une église au nom de la laïcité puis poser la première pierre d’une mosquée, vous voyez de la cohérence là-dedans, j’y vois plutôt une forme d’opportunisme.
Non pas d’opportunisme. Simplement les verts EELV sont très épiés par leurs opposants politiques et on essaie de les décrédibiliser sur le moindre petit faux pas.
- Dernière question sur la laïcité. Il y a un mouvement récent par des étudiants américains “dont touch my niqab » manifestant contre les tentatives de législation sur le port du voile, le burkini etc. On a vu EELV se défendre là dessus, la laïcité c’est donc le port de signe religieux y compris celui du voile?
Ici des opinions personnelles, donc même le voile intégral, c’est une liberté religieuse. Il manque la liberté d’expression religieuse ne vient pas entraver la liberté d’un autre donc pas de soucis. C’est une polémique un peu puéril pour moi, justement là où la laïcité devrait nous laisser libre : personne ne court se cacher quand une nonne est vue dans la rue.
- C’est donc à nous de nous adapter à cette culture? Ils devraient s’adapter à la culture chrétienne ou l’inverse?
Nathan : On ne dit pas au Brésilien d’arrêter de danser la samba pour aimer la France. Nikolas : De Gaulle disait que, si on avait donné la nationalité française aux Algérien, Colombey les deux Églises se serait appelé Colombey les deux Mosquées. C’est aberrant, accepter une culture ce n’est pas renoncer à la nôtre, c’est un melting-pot, un échange. Nathan : Pour moi, mettre le projecteur sur l’islam particulièrement, c’est dérangeant et c’est relayer l’idéologie d’extrême-droite.
- Vous vous faites une place auprès des syndicats politiques, vous vous sentez proches de l’UNEF?
Non, on est pas un syndicat, on est une antenne, d’ailleurs on a pas le droit de se présenter aux élections à l’Université. Nathan : Eh bien je vais m’avancer car je suis moi-même ancien membre de l’UNEF. Tout va dépendre à mon sens – et j’ai eu des désaccords là-dessus avec des membres – de la manière dont se tiennent les réunions non-mixtes. Tenir des réunions simplement en fonction et sous prétexte de caractéristiques physiques n’est pas un argument valable. Toute personne pouvant être touchée par des formes de ségrégation quelle qu’elle soit doit avoir la parole dans ce genre de groupes. Après, souvent, on ramène le curseur sur les réunions non mixtes chez les femmes, et je pense qu’il est vrai qu’il y a un certain pouvoir libérateur de pouvoir s’exprimer auprès de personnes qui ont vécu des choses très proches de nos expériences, peut permettre donc de s’exprimer comme on aurait pas pu le faire.
- Est ce que vous ne pensez pas que cette façon d’étiqueter quelqu’un directement de raciste ou de sexiste dès qu’il a des propos qui ne vont pas dans notre sens, ne serait pas un problème du progressisme importé des États-Unis et poussé à l’extrême qui aujourd’hui gangrène la gauche?
Nathan : Je ne pense pas, je pense que ça dépend vraiment des personnes qui ont tendance à en faire une utilisation néfaste qui en fait va à l’inverse venir décrédibiliser totalement ce genre de problèmes. Je pense que c’est inhérent à certaines personnes qui jouent sur cet argument lorsqu’elles n’ont plus d’argument.
- Vous êtes plutôt un parti pro-européen, donc l’action multilatérale européenne etc vous plait, que pensez vous qu’il faut faire en termes de sanctions euro vis à vis de la situation actuelle des ouïghours en Chine?
Nikolas : Si jamais l’Europe veut peser sur la scène internationale, il ne faut pas qu’elle hésite à porter ses valeurs en dehors de l’Union européenne. L’europe subit comme partout la crise de la démocratie, peut être un peu moins qu’ailleurs, aujourd’hui il faut qu’elle puisse porter les valeurs qui l’ont construite que sont la démocratie, le respect des droits de l’homme, la fin des génocides éventuellement. Évidemment qu’il faut que l’Union Européenne aille confronter la Chine et il y a récemment eu un accord commercial avec la Chine. Ce n’est pas possible, on ne peut pas aujourd’hui signer un accord commercial avec la Chine en sachant ce qui se passe au Xinjiang, il faut absolument que l’Europe prenne ses responsabilités, que la France prenne ses responsabilités. Que ce soit les Ouïghours en Chine qui est évidemment le cas le plus parlant, ou au sein de l’Europe, je pense notamment aux zones anti-LGBT en Pologne, c’est inacceptable et on ne comprend même pas comment l’Europe peut tolérer cela.
- Et que pensez-vous de la décroissance volontaire?
Je parlerai plutôt de décroissance technologique parce que je n’ai pas encore très bien tranché. Je suis un peu sensible à ce discours mais cela reste personnel, le parti n’a pas de ligne la dessus ; et puis évidemment voix grave : il y a toujours cet état d’esprit général hérité des Trente Glorieuses.
- En stalkant votre compte insta, on peut vous voir militer aux côtés de l’UNEF pour l’ouverture au RSA des -25ans, il s’agit d’une ligne du parti? d’une opinion personnelle? Cela reviendrait à habituer les jeunes aux aides sociales alors qu’il existe pléthore de bourses comme la garantie jeune ou encore les aides à l’emploi.
Nathan : J’y suis favorable bien entendu. Il y a de nombreuses initiatives, on pense au Crous à 1 euro, des choses bien développées et très bonnes, mais insuffisantes. Tout d’abord pour des questions de dépendances envers les parents parce que pas suffisamment démunis pour les bourses mais à la limite du seuil.
- Pourquoi ne pas développer simplement les instruments existants?
Nathan : L’idée est plutôt de créer un fonds de pension sans avoir besoin d’y être éligible. Le RSA c’est la même chose, on ne travaille pas nécessairement pendant ses études sauf exceptions d’écoles publiques rémunérant leurs étudiants. L’idée est donc de payer une somme nécessaire à la vie des étudiants, une forme de revenu universel jeunes.
Nikolas : le rôle de l’antenne est d’avoir accès au parti et s’engager, mais en retour cela permet d’avoir des voix étudiantes, une écoute pour les préoccupations.
- Vous êtes d’un parti se voulant présidentiable. Quid des questions de souveraineté, des frontières etc? Des thèmes que vous abandonnez à la droite ? Est-ce possible d’être pris au sérieux en désertant des sujets aussi importants?
De l’extérieur on peut avoir cette impression mais cela revient souvent en interne.
- Oui mais votre position pour l’électeur ?
Ces questions sont portées par des candidats à des postes nationaux. Evidemment, la fermeture des frontières et le repli sur soi dans un parti pro-européen comme EELV, cela n’est vraiment une priorité.
- Vous vous appelez Europe-écologie-les-verts, quelle place pour l’Europe et l’écologie dans votre projet politique ?
Nikolas : C’est le regroupement d’Europe-Ecologie et les Verts. Le nom n’est pas forcément idéal un ramassis de beaucoup de choses.
- Mais quelle écologie dans les traités actuels?
Nikolas : ils ne sont pas nécessairement écologiques ces traités. Pensons à la PAC, instrument potentiel écologique mais délaissé. L’Europe peut et doit être un vecteur.
- Aujourd’hui, vu votre nom, on peut considérer que vous êtes les plus écolos, discours que vous vous appropriez beaucoup, alors que d’autres partis sont plus radicaux dessus.
Nikolas : La question n’est pas de la radicalité mais de faire changer les choses. La FI peut-elle faire changer les choses au pouvoir? Non, je ne pense pas.
- EELV parti plus présidentiable?
Nikolas : Oui, c’est une certitude. Ils sont moins étiquetés gauche radicale comme FI et la matrice écologique touche un large spectre : l’arc humaniste. Se mettre dans une forme d’opposition systématique n’est plus possible, ce qu’a compris EELV qui a quitté une position radicale anti-nucléaire pour se faire présidentiable. Regardons outre Rhin, die Grüne qui lance une très bonne course vers la Kanzlei. Même si évidemment, il y a beaucoup de différences entre die Grüne et EELV.
- Dernière question et après je vous relâche : en prétendant au titre de monopole écologiste, vous ne pensez pas décrédibiliser le mouvement écologiste?
Nathan : Précisions s’il te plaît.
- On peut prendre l’exemple d’une union des féministes d’Assas avec un agenda très particulier qui n’intéresserait pas toutes les personnes composant les divers courants féministes à Assas. Celui-ci étant proche des questions de précarité menstruelle et d’écriture inclusive et pourrait être vu en évitant d’autres questions comme le voile comme ne s’intéressant qu’aux luttes secondaires.
Nathan : EELV structurellement fonctionne par la discussion avec les adhérents, très ouvertement et avec peu de hiérarchie. Chacun a son mot à dire sans qu’un agenda ne soit imposé.
- Ce n’est pas un peu idéaliste et démocratie directe ? Vous n’avez pas le pouvoir de partis traditionnels PS et LR et en même temps en vous basant sur les retours de vos adhérents, comment se mettre d’accord sur un programme national élaboré à l’échelle locale par ci par la?
Nathan : Je crois que cela peut fonctionner sous la forme d’une démocratie fonctionnant à la majorité mais par des idées remontées de toutes les antennes locales. D’ailleurs c’est nécessaire à l’écologie qui doit prendre en compte des besoins locaux particuliers.
Interview menée par Neslihan Altun et Raphaël Revah.