Dans la troisième section des Fleurs du Mal de Baudelaire, on y trouve, « L’âme du vin ». Ici, le vin est une aide dans le pèlerinage du poète vers le paradis artificiel, le vin devient un expédient, une quintessence alchimique vers le monde des idées. C’est une véritable invitation à l’ivresse des mots pour éviter l’angoisse de la vie terrestre. Dans ce poème, le vin fait un monologue et promet à qui le boira de le faire renaître. Le vin est réellement traité comme un moyen d’accéder là où le commun des mortels n’a pas accès. Néanmoins, si Baudelaire essentialise le vin, il s’agirait de faire une petite nuance, tous les vins ne possèdent pas une telle âme. Ainsi, comment différencier le vin sans âme de l’expédient divin ? C’est donc l’objectif de ce tract, de vous former à les trouver.
Situation plus simple, vous voulez vous faire plaisir en achetant du vin, vous vous rendez dans une grande surface, néanmoins, vos connaissances sont parcellaires. À la fin de cet article, vous serez en capacité de choisir une bonne bouteille en grande distribution.
À quels indices peut-on se fier ? Déjà, je le précise en préambule, mais le titre alcoométrique volumique ne dit absolument rien de la qualité d’un vin. Je mets fin à cette prénotion, un vin à 16° peut être beaucoup plus complexe et élégant qu’un vin à 14°. Il n’y a aucun lien de causalité.
1. Le prix n’est pas gage de qualité
Premièrement, sachez que vous pouvez trouver des bouteilles objectivement qualitatives en dessous de 10 €. Bon évidemment, en dessous de 4 €, il ne faut pas s’étonner de tomber sur une horreur, la bouteille sera nécessairement infâme. Néanmoins, entre une bouteille à 6 € et 20 €, il est possible d’avoir une qualité équivalente. Pourquoi ?
Tout simplement parce que le prix est variable selon des facteurs qui ne sont pas en rapport avec le travail sur le vin : comme la notoriété du vigneron, du vignoble, de son appellation, de l’âge de la vigne, du moyen de vinification, de la quantité de production de la bouteille en question, etc. De ce fait, on peut difficilement s’en tenir aux prix lorsqu’on cherche une bouteille. Le prix est un indice trop variable qui ne témoigne pas totalement de la qualité du vin, c’est pourquoi il convient de s’appuyer sur autre chose.
2. Ne pas se fier aux récompenses
Les récompenses viticoles sont l’escroquerie du siècle dans le vin, la prénotion qu’on peut avoir en se disant que si un vin est médaillé, c’est qu’il est bon, est totalement fausse.
Déjà, les vins des appellations les plus prestigieuses sont absents des concours, donc cela fait de la place pour le reste.
Ensuite, seuls les vignerons les plus aisés peuvent se permettre d’y concourir, car d’une part, la participation y est payante (entre 50€ et 180€), et d’autre part, pour afficher sa médaille sur sa bouteille, il faut débourser 110€ les 1000 unités/an par exemple pour le meilleur Chardonnay du Monde. Alors, ceux qui n’ont pas ces moyens en sont exclus.
Chose également à savoir, la majorité des concours acceptent que le tout-venant puisse devenir jury, car il y a un vrai manque de dégustateurs professionnels.
Enfin, il y a une grosse quantité de concours, départementaux, régionaux, nationaux dans le vin, surtout en France. Ainsi, en compétitant à une vingtaine de concours, on augmente les chances de repartir avec une récompense ; puis certains vignerons n’hésitent pas à présenter l’intégralité de leur gamme à un concours pour maximiser leur réussite.
3. Faire attention à l’assemblage de la bouteille
C’est en partie dans l’assemblage que réside l’âme d’une bouteille. C’est sûrement l’étape la plus technique pour ceux qui ne sont pas familiers avec cet univers. Un vin est composé de raisin, jusqu’à là, tout le monde me comprend. Mais il existe différentes races de raisins, c’est ce qu’on appelle un cépage (cépage = type de raisin utilisé pour faire le vin). Pour faire du vin, nous allons donc, soit assembler plusieurs cépages ensembles, soit n’en mettre qu’un seul (mono-cépage). Il est courant de voir du Chardonnay tout seul dans une bouteille ou du Pinot noir ; comme il est usuel de voir assembler Syrah-Grenache-Mourvèdre dans le sud de la France. C’est l’assemblage des cépages qui fera du vin un expédient vers le monde des idées.
De plus, chaque région viticole (Languedoc, Provence, Alsace…) possède ses propres cépages (car le terroir y est favorable). Ainsi, c’est de cette manière qu’il est plus ou moins possible d’associer une bouteille à sa région, car chacune a sa particularité, ce qui permet de créer par vignoble, un produit authentique.
C’est sur cela que nous allons nous baser pour choisir notre bouteille à Monoprix, car si vous voyez un assemblage douteux qui en temps normal ne se fait pas, et bien, fiez vous à ce guide et n’y allez pas. Exemple : un assemblage Pinot noir et Syrah n’a aucun sens, puisque le pinot noir est un cépage de Bourgogne et la Syrah de la Côtes-du-Rhône et Languedoc. Donc, ce genre d’assemblage n’annonce rien de bon, on pourra même parler de vin sans âme.
Au-delà de ça, chaque cépage apporte un arôme particulier. Par exemple, la Syrah apporte une grosse structure tannique et de la puissance, tant dis que, le Pinot noir, c’est la légèreté avec des petits arômes de framboises et de poivre/réglisse. Donc dans notre cas, les deux cépages sont juste opposés, et rendent l’assemblage incohérent. Évidemment, tout est à nuancer, certains assemblages qui sur le papier semblent incohérents peuvent très bien fonctionner. Néanmoins dans la majorité des cas et surtout sur des bouteilles entre 6€ et 20€, c’est rarement intéressant.
En temps normal, l’assemblage sera indiqué sur la contre étiquette, mais, n’étant pas obligatoire, il arrive qu’il ne soit pas donné. Dans ce cas-là, passez à autre chose.
Quelques assemblages récurrents pour le vin rouge :
Bordeaux : Cabernet franc, Cabernet sauvignon, Merlot
Côtes-du-Rhône : Grenache, Syrah, Cinsault, Carignan, Mourvèdre
Languedoc : Syrah, Grenache, Mourvèdre, Carignan
Bourgogne : on assemble rarement, on trouve du Pinot noir tout seul
Quelques assemblages récurrents pour le vin blanc :
Alsace : même logique, on trouvera seul du Riesling ou Gewurztraminer ou Pinot gris
Bourgogne : Chardonnay
Languedoc/ Côtes-du-Rhône : Marsanne, Roussanne, Grenache blanche, Viognier
4. Importance de la région viticole
Là, ce n’est pas tant un gage de qualité qu’un choix pour vos goûts, la France entière fait du bon vin, mais chacun a son style, d’autant plus que certains cépages que vous aimez sans le savoir se trouvent dans des régions précises. Attention, je ne dis pas qu’au sein de chaque région le vin est standardisé, tous les vins de Bourgogne ne sont évidemment pas identiques, mais on décèle un style qui est bien différent du reste de la France. On compte 16 régions viticoles dans l’hexagone, en voici quelques-unes pour éclairer certaines différences majeures :
– Languedoc, porte davantage sur la force, la structure poussée, la beauté du fruit noir (mûr, myrtille, cassis), les tannins arrivés à maturité, mais aussi et surtout l’épice.
– Bordeaux, produit principalement du rouge, reconnaissable par ces arômes particulièrement confiturés, une belle élégance et sa structure légère apportée par ses cépages emblématiques qui sont le Merlot et le Cabernet Franc.
– Bourgogne, principalement chef-lieu du Pinot noir et du Chardonnay, réputé comme étant les meilleurs au monde. Sur les 50 vins les plus chers du monde, 40 sont issus de ce vignoble.
Je suis obligé par la contrainte de page de faire d’énormes généralités, mais c’est uniquement pour se rendre compte qu’il est important dans un premier temps de baliser ce qui nous plaît pour pouvoir choisir du vin ; ainsi, la région viticole sera un bon indice sur la personnalité du vin.
5. S’appuyer sur ce que vous connaissez : les appellations
Appellation : « L’appellation identifie les vins selon l’origine géographique de leur production. Elle permet ainsi de classer les vins d’après plusieurs critères propres à un vignoble, à la fois naturels (climat, environnement) et humains (techniques de viticulture) », si un vin est dans une appellation, vous verrez le sigle « AOP : appellation d’origine protégée »
Pour avoir le droit d’afficher une appellation, le vigneron doit respecter un cahier des charges très exigeant, comme le type de cépages à exploiter, leur proportion, et bien d’autres choses. Prenons un cas pratique, si un vigneron de Bourgogne veut faire un vin blanc 100% Rolle, ce dernier ne pourra pas prétendre à l’AOP de sa région, car en Bourgogne, c’est le chardonnay qui prédomine. Certaines appellations sont très connues, et sont plus ou moins importantes, car cela annonce dans une certaine mesure la qualité de la bouteille. Ainsi, une appellation peut indiquer l’échelle d’excellence d’un vin et sa reconnaissance. Encore une fois, ce sont des indices, c’est à vous de savoir si vous aimez le vin de telle appellation ou non.
Quelques appellations reconnues, plus ou moins accessibles : Chablis, Mâcon, Tavel, Ventoux, La Clape, Terrasse du Larzac, Corbière-Boutenac, Malepère, Fronsac …
Cas Pratique
Je voulais mettre en pratique ces étapes didactiques pour clarifier l’ensemble. Je me suis donc rendu chez Nicolas, un caviste assez connu présent dans toute la France. Je suis reparti avec un Sauvignon Blanc des Vignerons de Berticot à 6 €.
Pourquoi cette bouteille ?
Premièrement, parce que je cherchais tout simplement un Sauvignon blanc. Mais surtout, parce que ce qu’on peut voir sur l’étiquette, c’est « Cuvée première », ce qui signifie que c’est un vin de qualité particulière, donc j’ai été intrigué. Ensuite, parce que cette cave coopérative que sont les Vignerons de Berticot est connue pour la qualité de son vin, son faible rendement, et son côté artisanal. Après, le Sauvignon blanc est un cépage qui historiquement provient de la vallée de la Loire et du Bordelais, ainsi, les Vignerons de Berticot étant originaires du Sud-ouest, il y a une cohérence, car c’est une bouteille composée d’un cépage qui a été élevé dans son terroir historique. Enfin, sur la bouteille, on peut y voir le sigle AOP, c’est une appellation d’origine protégée « Côtes de Duras », donc cela signifie que pour avoir ce sigle, ce vin a dû respecter un cahier des charges exigeant, ce qui est un certain gage de qualité. Pour finir, c’est très personnel, mais c’est une bouteille en agriculture biologique, et je préfère me tourner vers les vignerons qui sont investis dans le respect de l’environnement.
Pour conclure, après avoir évité les pièges du prix, des médailles ; prenez la bouteille en main, regardez d’où elle vient si elle le précise. Regardez son assemblage, puis lancez vous. J’utilise terme « indice » depuis le début pour appuyer sur le fait qu’il n’y a pas de vérité générale, dans le vin il y a une expression qu’il faut toujours avoir en tête, c’est « ça dépend ». Choisir une bouteille de vin, c’est prendre un risque nécessairement, on ne peut pas tout connaître, donc n’ayez pas peur de vous tromper. Affinez vos goûts, soyez curieux, et n’hésitez surtout pas à demander conseil lorsque c’est possible.