Fight Club : Plaidoyer anti-consumériste visionnaire ?

Nous ne résumerons pas le film mais nous sommes obligés d’en présenter tout de même les points clefs. Après tout, la première règle du Fight Club, c’est « qu’on ne parle pas du Fight Club. »

« Avec le canon d’un flingue entre les dents, on ne prononce que les voyelles », une affirmation que la rédaction n’a pas eu l’occasion de vérifier, mais qui a au moins le mérite de poser le cadre.

Après ces quelques mots, nous faisons la connaissance du Narrateur, personnage principal sans nom, qui travaille dans une compagnie d’assurances. Il souffre de son quotidien, mais ne sait pas pourquoi, ni comment. Il sait juste une chose : il souffre. Insomniaque notoire, son médecin lui propose de suivre une thérapie qui fonctionne de façon illusoire, ensevelissant le problème sans jamais le régler. Lors d’un voyage d’affaires, le narrateur fait la rencontre de Tyler Durden, vendeur de savon et gourou viriliste. Tyler est l’exact opposé du narrateur. Leader charismatique, anarchiste, il déteste le système qui l’a créé. Tout oppose ces deux personnages, mais une chose les lie : ils sont les enfants d’un consumérisme démesuré, presque boulimique. 

La philosophie que Tyler distillera tout au long du film est simple : pour changer de nature, pour se dévoiler, il faut détruire, perdre tout ce que l’on a et notamment se perdre soi-même. Le développement personnel ne vaut pas mieux que la masturbation, la « destruction personnelle » semble être la seule solution. Tyler Durden est présenté et ressenti comme un mentor, un guide qui nous montre la voie. Un virilisme assumé et presque militant caractérise le personnage. Il lutte contre la féminisation des hommes, en arguant que nous sommes une génération d’hommes élevés par des femmes, et qu’une femme de plus ne peut pas être la solution. 

Avec le narrateur ils créeront le « Fight Club » club de boxe clandestin où l’on redevient vivant, où règnent la violence, la sueur et le sang. Un lieu qui se veut volontairement marginal, un sous-sol cathartique, une sorte d’expiatoire pour prolétaires surexploités. On s’y bat à mains nues, sans chemise ni chaussures, un seul combat à la fois. Des combats de coqs pour humanoïde, une jubilation morbide et sanglante.

Le film nous plonge plus profondément chaque minute dans cette noirceur destructrice, nous faisant vivre la descente aux enfers du narrateur, plongé dans le Styx de l’anti-consumérisme par Tyler, qui le forcera à tout abandonner; car c’est seulement lorsque l’on a tout perdu que nous sommes libres.

« J’avais trouvé la liberté. Perdre tout espoir, c’est ça la liberté »

Fight Club, ce n’est pas un discours sur l’identité, sur l’autorité, le fascisme, l’anarchisme.

Fight Club, ça parle des choses.

Des choses qu’on pourrait changer mais qu’on laisse telles quelles parce que c’est facile.


Des choses que l’on a et qui nous possèdent, et des choses que l’on désire posséder.

Fight Club, parle de l’hypocrisie d’une société hyper-sexuelle et hyper-consommatrice, mais qui a perdu toute humanité, toute chaleur. Qui réprime tout désir mais qui nous fait vouloir. Vouloir les filles qui se baladent à moitié nues dans la rue mais qu’il faudrait ne pas regarder. Vouloir les fringues à la mode mais déjà démodées. Vouloir la voiture que tu ne pourras jamais te payer. Vouloir remplir ton apart’ d’objets inutiles qui ne remplissent pas ta vie.

Nous vivons une course effrénée à la réussite et au bonheur matériel, nous ne pouvons que nous projeter dans le quotidien de ce monsieur tout-le-monde vivant sa vie en pilotage automatique, faisant bien sagement ce que la société attend de lui. Bien confortablement, nous nous persuadons d’éprouver des émotions, de l’empathie pour le reste du monde, pour sa misère, tout en sachant parfaitement qu’une seule chose nous importe réellement :  cette putain de belle lampe qui se marie si bien avec la tapisserie du salon. Rien de condamnable là-dedans, juste un état de fait, l’évolution supposée logique d’une espèce se croyant unique et immortelle.

Fight Club nous propose d’entamer un nouveau combat. Prouver que quelque chose vit encore en soi. Sinon, se résigner à devenir une statistique.

Paul du Gardier

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