Constellations, texte de Nick Payne, mis en scène Arnaud Anckaert, avec Noémie Gantier et Maxence Vandevelde.
Du 30 janvier au 18 Février.
Un synopsis intéressant
Tout commence lors d’un barbecue réunissant Marianne, physicienne et Roland, apiculteur. De cette rencontre naîtra une relation, avec ses joies, disputes, espérances et désillusions. Pour l’instant, rien d’exceptionnel dans la petite salle du Théâtre de l’Aquarium. Sauf que Nick Payne, l’auteur de la pièce, postule une configuration intéressante : celle des univers parallèles dans le couple. Comme Marianne l’explique, l’univers n’est pas linéaire, et en partant du principe qu’un même événement est susceptible de connaître plusieurs issues distinctes, nos décisions « existent dans un ensemble inimaginablement vaste d’univers parallèles ». Il suffit donc qu’une phrase, qu’un mot, qu’une intonation, qu’une gestuelle diffèrent pour donner un aspect tout autre à leur histoire. Les scènes se reproduisent avec une légère différence à chaque fois, donnant une orientation différente à leur couple. Je trouvais l’idée géniale, j’ai donc embarqué Georges, contributeur de la PravdAssas et comédien à la Cartoucherie pour assister à une représentation.
Chassez le naturel…
Arrivant dans la salle, les deux comédiens étaient déjà sur scène. Un noir, une lumière, et le dialogue commence. Marianne (Noémie Gantier) brise le silence en entamant une conversation avec Roland (Maxence Vandevelde) sur le coude et les secrets qu’il renferme. Puis la scène de rencontre se répète, tenant ses promesses, jusqu’ici tout va bien. Par un jeu de lumière assez classique d’après Georges, mon oeil n’est pas si avisé que cela !- on enchaîne avec une autre scène, puis une autre, et encore une autre, chacune se reproduisant avec un subtil changement à chaque fois. Les répétitions de scènes sont intéressantes, néanmoins deux choses ont été dérangeantes.
Si les comédiens occupaient bien l’espace scénique, leur gestuelle parasitaire est troublante. Le manque de codification de la formation contemporaine des deux artistes brouille leur jeu et la beauté de la représentation. Des gestes malvenus, comme par exemple Marianne remettant ses lunettes alors qu’elle n’en porte pas, passant souvent la mains dans ses cheveux, ou Roland qui a ce réflexe de secouer sa tête en avant et en arrière tel un pic-vert quand il parle, compliquent leur jeu et les émotions qu’ils souhaitent transmettre au public. C’est bien dommage, puisqu’on ne demande pas aux comédiens d’être des caricatures de ce qu’ils sont dans la vraie vie, mais d’incarner deux personnages, afin que l’illusion théâtrale opère. Brisant ce quatrième mur par leur manque de pureté, la fiction se met difficilement en place au niveau de leur jeu.
Des univers parallèles ?
En outre, si la gestuelle approximative est parfois déroutante, l’histoire ne va pas assez loin. Cela n’est pas tant du côté de la mise en scène, mais plutôt du côté du texte original. L’auteur ne maitrisait peut-être pas totalement la grandeur de son excellente idée. De fait, Georges m’a pertinemment fait remarquer que les univers parallèles ne sont pas totalement exploités, et c’est en cela que la pièce reste inachevée. On aurait aimé avoir la même scène qui se répète quelques fois, puis une suite qui dépendrait des différentes issues de la scène précédente. De là, on aurait vu l’histoire de Marianne et Roland évoluer selon par exemple trois univers parallèles distincts, et l’idée aurait été réussie. Ce qui fut dérangeant, c’est que chaque scène se répète peut-être parfois six ou sept fois, ce qui est parfois trop, avec une réussite sur la subtile différence, mais la scène suivante ne dépend pas des issues de la scène qui la précède. Ainsi, ce sont plutôt des morceaux de relations qui sont superposés, et non pas la relation dans son entièreté. Cet effet papillon raté est légèrement décevant.
Nous restons sur notre faim
En outre, la tournure finale de la pièce est un peu surprenante. Marianne semble être malade, et d’une répétition d’une scène à l’autre, son virus passe de bénin à malin, nous voyons une femme heureuse à suicidaire. Subtile, la différence ? Toute la fin de la pièce sur la maladie est une idée malvenue, dans la mesure où elle n’apporte pas grand chose à l’histoire de couple. Cependant ce thème est traité avec élégance, les comédiens ne sombrent en effet pas dans un pathos larmoyant et dégoulinant de douleur. La réalisation est donc réussie pour un thème qui occupe maladroitement un grand espace dans la pièce.
En résumé, si le concept de la pièce est très intéressant, la mise en scène et le jeu des deux comédiens ne transcendent pas suffisamment le texte, qui lui ne va pas au bout de sa propre logique. La pièce se regarde, le moment passé n’est pas si terrible, mais l’on ne se prend pas une claque en sortant.
Axelle Konini