Le torchon brûle entre la Chine et les États-Unis

 

Le Président des États-Unis, Donald J. Trump, a annoncé sur Twitter un rehaussement des droits de douanes, de 10 à 25% sur deux cent milliards de dollars d’importations chinoises. Ce coup d’éclat a surpris les marchés financiers, qui se sont enfoncés dans le rouge au lendemain de sa déclaration. L’hypothèse d’un accord entre les deux puissances après des mois de négociations commerciales semble plus mince que jamais et fait ainsi craindre un ralentissement de la croissance mondiale.

L’attitude va-t-en guerre du président américain semble d’autant plus étonnante que les entreprises américaines sont les premières touchées par cette guerre commerciale. Parmi les plus emblématiques : Apple, dont le PDG, Tim Cook, annonçait début janvier une baisse des prévisions de ventes d’iPhones dans l’Empire du milieu, imputant se résultat au conflit sino-américain.

            De plus, Donald Trump n’hésite pas à mettre au pilori sur Twitter le Président de la Réserve Fédérale, l’accusant de chercher à affaiblir l’économie américaine en n’assouplissant pas davantage sa politique monétaire et s’auto-congratule du nouveau miracle économique américain (le taux de chômage est de 3,6%, du jamais vu depuis 1970, la croissance du PIB s’élève à 2,9% pour 2018). Celui-ci serait-il prêt à risquer ce qui est pour l’instant le succès majeur de sa présidence et son meilleur atout pour les élections présidentielles de 2020, tout cela pour faire plier la Chine ?

            Indéniablement, la fermeté affichée du Président américain vis-à-vis de la Chine est en ligne avec le discours qu’il a tenu lors des élections présidentielles de 2016 où il promettait d’utiliser ses talents de négociateur pour récupérer l’argent (et les emplois) que le libre-échange avait envoyé à l’étranger, notamment au Mexique et en Chine. Cette ligne convainc toujours la base électorale de M. Trump, persuadée de s’être faite dépouiller par la mondialisation.

            Mais la dégradation des relations entre les deux plus grandes puissances de la planète ne peut s’expliquer par ces seules considérations de politique intérieure.

            Les ambitions de la Chine de Xi Jinping percutent de plein fouet les intérêts américains et ce notamment dans le domaine des télécommunications où les États-Unis n’ont pas jusqu’alors l’habitude d’être inquiétés. C’est ce qu’illustre les tensions autour de l’entreprise Huawei, pressentie pour fournir les équipements de télécommunications permettant aux opérateurs de déployer le réseau 5G en Europe. Sur ce marché, l’entreprise est considérée comme moins chère et proposant des produits de meilleure qualité que ses concurrents, sur lesquels elle aurait une avancée technologique d’au moins un an, selon de nombreux experts. L’obtention d’un marché auprès de l’opérateur Vodafone en Italie et le statut de favori dont dispose le conglomérat chinois pour développer la 5G en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France a déclenché l’ire des États-Unis qui avertissent des intentions malveillantes de l’entreprise, accusée de travailler en sous-main pour le gouvernement chinois et ce à des fins d’espionnage. D’aucuns ironisent estimant que les États-Unis souhaitent en quelque sorte conserver le monopole de l’espionnage de masse en Europe.

Le point culminant de ces tensions autour du géant chinois des télécommunications est sans doute l’arrestation à Vancouver, le 1er décembre 2018, de la directrice financière de Huawei, – et fille du fondateur – Meng Whanzhou, soupçonnée, entre autres, par les États-Unis d’avoir contourné les sanctions américaines pesant sur l’Iran.

            Si la confrontation entre les États-Unis et à la Chine dans le domaine des télécommunications est retentissante, elle n’occulte pas une confrontation plus traditionnelle qui resurgit ces dernières semaines : la confrontation navale en mer de Chine méridionale. La Chine est accusée par les États-Unis de restreindre la liberté de navigation, en considérant notamment le détroit de Taïwan comme une sorte de mer intérieure. Taïwan est traitée comme une province aux yeux de Pékin. Aussi, à la fin du mois d’avril, la Chine a dénoncé la traversée du détroit par une frégate de la marine française sur ce qu’elle considère être ses eaux territoriales, alors que la France considère respecter le droit maritime international. Outre le détroit de Taïwan, les tensions en mer de Chine méridionale se concentrent sur deux archipels, les îles Spratleys (revendiquées par le Brunet, la Chine, la Malaisie, le Vietnam, Taiwan et les Philippins) et les îles Paracels (revendiquées par la Chine, Taiwan et le Vietnam). Les États-Unis qui contestent les revendications chinoises dans la zone n’hésitent pas à envoyer des navires sur place dans des opérations dites « de liberté de circulation ». Cette démonstration de force de l’US Navy en pleine guerre commerciale n’est pas anodine, le Président Trump ayant pris l’habitude d’utiliser sa marine de guerre comme moyen de pression. Elle traduit également le risque d’un affrontement armé que nul ne peut définitivement écarter.

            Cet affrontement armé est par ailleurs l’objet d’un récent ouvrage du politologue et universitaire américain Graham Allison, Vers la guerre, qui dépeint différents scénarios déclencheurs d’un conflit armé entre les deux puissances. Pour l’auteur, ce qu’il appelle le « piège de Thucydide » se met en place, rendant un affrontement entre les États-Unis et la Chine inévitable. L’expression fait référence à l’historien grec du Ve siècle avant J.C. qui estimait que le casus belli de la guerre entre Sparte et Athènes était due à la paranoïa de la première, cité dominante, face à l’ascension fulgurante de la cité d’Athéna : « C’est la peur inspirée à Sparte par l’ascension d’Athènes qui rendu la guerre inévitable. » Pour l’universitaire, au cours des cinq derniers siècles, le piège s’est refermé à pas moins de seize reprises.

            La solution envisagée par l’auteur est que les États-Unis acceptent l’établissement d’un nouvel équilibre mondial qui prendrait en compte la nouvelle dimension de la Chine. Les tensions entre les deux nations et le bras de fer opposant Xi Jinping à Donald Trump donnent à cette solution un caractère, pour l’instant, illusoire.

Charles Saint-Gilles

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