Une chose est sûre, en termes de scandales, South Park n’en est plus à son coup d’essai. Si la provocation est devenue l’image de marque de cette série animée, c’est en octobre dernier que la série s’est attirée les foudres de Pékin, en se voyant censurée dans l’ensemble du pays.
La série créée en 1997 par les deux américains Trey Parker et Matt Stone marque en 2020 sa 23ème saison et son 300ème épisode. Depuis plus de 20 ans, cette série s’est fondée la réputation d’agitateur sans peur. Au fil des saisons, il est bien peu de personnalités publiques et politiques qui n’aient été parodiées par la série. De Tom Cruise à Barack Obama, en passant par Ben Laden et par Al Gore, tout le monde en prend pour son grade. C’est avec un malin plaisir et une grande créativité que les deux créateurs s’attaquent aux grands de ce monde, par le biais de parodies toujours plus insultantes et hilarantes.
Si South Park a toujours dansé sous le marteau de la censure, celui-ci ne s’est abattu que très rarement, et souvent hors du pays d’origine de la série. Ainsi, lorsque le prophète Mahomet se retrouve affublé d’un costume d’ours lors d’un épisode, celui-ci ne sera jamais diffusé sur les télévisions françaises.
Une fois de plus, la série a été interdite de diffusion. Pas en France cette fois-ci, mais plus à l’Est, dans la République populaire de Chine. En effet, le deuxième épisode de la dernière saison, intitulé « a band in China », met en œuvre 4 jeunes garçons tentant de réaliser un film sur leur groupe de musique. Cependant, afin de profiter des consommateurs chinois, le producteur change le scénario du film afin d’éviter la censure du gouvernement chinois.
La série critique ainsi directement les studios américains adaptant les scénarios des films pour leur éviter la censure chinoise. Avec une population de plus d’un milliard d’habitants, la Chine est une véritable mine d’or pour les grandes sociétés du divertissement. Conquérir le public chinois est désormais le premier objectif d’Hollywood, un objectif à atteindre par tous les moyens possibles, aux dépens de la fibre créatrice des réalisateurs ainsi que de la qualité du film en général.
Cependant, cette critique de l’industrie hollywoodienne n’est que la partie ludique de la dénonciation du régime communiste chinois. La critique dressée par l’épisode est bien plus large, et porte sur l’entièreté du contrôle que l’État impose à ses citoyens. Se côtoient ainsi au sein du même épisode des allusions à Winnie l’Ourson et une dénonciation des camps de concentration où sont enfermés des chinois musulmans.
Si la subtilité de cette critique est à discuter, son efficacité ne l’est pas. Preuve en est la censure aussi foudroyante que large qui a suivi le lendemain de la diffusion de l’épisode en question, la série disparaissant de l’intégralité des sites et réseaux sociaux chinois. Une censure étatique qui a supprimé toute référence à la série de l’ensemble du territoire en un temps record, l’ampleur de la réaction des autorités chinoises est colossale.
Si une telle réaction était à prévoir, on peut imaginer qu’elle était même voulue par les créateurs de la série. Partageant sur Twitter un message d’excuses ironique envers la Chine « […] nous aussi nous aimons l’argent plus que la liberté et la démocratie », South Park se moque également de la NBA, qui s’était excusée sur le même réseau d’une déclaration d’un de ses joueurs en faveur des révoltes de Hong Kong. D’une pierre deux coups, la série critique à la fois la dictature de Pékin et l’hypocrisie des grands studios américains fermant les yeux sur les violences au toucher du papier vert.
Une fois n’est pas coutume, South Park enrobe dans de l’humour une critique acerbe d’un sujet polémique et on rit jaune une fois encore devant les vraies images diffusées à la fin de l’épisode.
Benjamin Pusel